Peut-être accordé beaucoup moins d’attention qu’il ne le mérite, Henri Lefebvre en La production d’espace attire directement l’attention du lecteur sur Capitale, Vol.3, et un accent sur la formule de la «trinité» (terre, travail, capital) qui transcende le binaire capital-travail. Lefebvre nous demande: « Qu’en est-il du rôle joué par terre, en tant que concept et réalité, dans ce contexte? ». Ce faisant, il engage Marx sur un ensemble de facteurs tournant autour de la terre, de la classe des propriétaires fonciers, de la rente foncière et de l’agriculture, engageant les réflexions de cette dernière non seulement sur la propriété de la terre mais aussi sur les ressources souterraines et sous-marines ainsi que sur l’élevage et la construction du bétail. . «Quelle excuse pourrait-il y avoir aujourd’hui», demande alors Lefebvre, «pour ne pas revenir sur ce travail exemplaire si inachevé – non pas en vue de le consacrer de quelque manière que ce soit mais pour lui poser des questions?».
L’importance de ces interventions de Lefebvre sur une théorie marxiste de la rente foncière voyage largement et facilement au-delà La production d’espace. C’est pour ces raisons que nous avons collaboré pour la première fois en rassemblant une anthologie de Lefebvre rassemblant ses écrits sur le rural. Intitulé Du rural: économie, sociologie, géographie (à paraître avec University of Minnesota Press, 2022), le livre révèle à quel point il serait réducteur de traiter Lefebvre uniquement comme un critique de la dialectique historique de l’espace urbain. Avec un total de douze chapitres, tous sauf deux traduits pour la première fois du français et certains nouvellement découverts, nous pensons que le livre offrira aux lecteurs un penseur qui se déplace à travers l’unité du rural et de l’urbain en abordant le développement inégal du production d’espace.
Dix des textes sont traduits par Robert Bononno, avec un chapitre chacun traduit par Matthew Dennis et Sîan Rosa Hunter Dodsworth. Nous avons édité les traductions, en ajoutant des notes éditoriales explicatives, en complétant les références et commentaires souvent incomplets de Lefebvre. Le volume comprend également une importante introduction interprétative co-écrite. Une façon de recevoir Du rural: économie, sociologie, géographie est comme un compagnon de État, espace, monde: essais sélectionnés, édité par Neil Brenner et Stuart Elden, ou pour s’asseoir aux côtés de son plus connu Écrits sur les villes, La révolution urbaine ou La pensée marxiste et la ville.
Quelles friandises sont en magasin? Les traductions incluent la première moitié du livre de Lefebvre Du rural à l’urbain, y compris ses essais cruciaux « Problems of Rural Sociology » et « Perspectives on Rural Sociology », ainsi que « The Theory of Ground Rent and Rural Sociology » (que nous avons précédemment édité pour publication dans Antipode, et disponible en libre accès), et les essais retraçant les deux processus d’urbanisation et d’industrialisation. Nous avons complété ces essais avec quelques textes supplémentaires, dont deux articles publiés en France qui n’étaient pas inclus dans Du rural à l’urbain, un document de conférence livré à Milan, et un long texte publié uniquement en espagnol. Les deux derniers textes sont largement inconnus et ne sont pas abordés dans la littérature sur Lefebvre, mais ajoutent des détails empiriques et conceptuels cruciaux. Le volume se termine par quelques chapitres cruciaux de l’étude de Lefebvre sur la vallée pyrénéenne de Campan.
Dans ses réflexions sur la sociologie rurale, la sociologie historique et une théorie marxiste de la rente foncière se trouve le « cas limite » de Lacq-Mourenx (photo), un développement de « ville nouvelle » des années 1950 dans la province française de Béarn, en les montagnes des Pyrénées. Avec la frontière de l’accumulation de capital mettant en service des unités de production de gaz, des plans de logement et des structures d’usines, Lefebvre y voyait le processus d’urbanisation comme un « Texas béarnasien »:
C’est la transition du rural vers l’urbain qui se déroule, se prépare sous nos yeux et pour notre considération.
Par le recours à une méthode de sociologie historique adaptée aux conditions de développement inégal, de réforme agraire, de transformation de la paysannerie et de la formation des classes, et des restes, résidus et sédiments ancrés dans la vie quotidienne, ces essais font naître la lutte pour la terre et la formation des classes. centralité du territoire. Les essais se répercutent également sous des formes complexes à travers les structures agraires confrontées à des conditions conflictuelles de développement inégal et aux survivances et aux renouvellements de la vie quotidienne. La rente foncière en tant que survie précapitaliste, le sous-développement, la dépossession par la pression extra-économique et le développement arrêté et détourné imprègnent ces essais, qui relient et se répercutent sur les conditions de la réforme agraire en Europe, en Amérique latine, en Afrique du Nord et en Asie.
Présenter les débats actuels menés par des personnalités telles que Kevin Anderson dans Marx aux marges, sur les derniers écrits de Marx couvrant les sociétés non occidentales et précapitalistes, Lefebvre écrit dans son essai de 1964 « La théorie marxiste-léniniste de la rente foncière » à propos de Marx que: « juste avant sa mort, il avait déjà commencé à rechercher un grand nombre des documents en référence à la Russie », pour se concentrer ainsi sur les conditions multilinéaires du développement social.
C’est pour cette raison qu’avec ce volume, nous espérons que les lecteurs de Lefebvre apprécieront davantage qu’aujourd’hui, plus que jamais, la lutte des classes s’inscrit dans l’espace urbain et rural. Nous sommes ravis de voir ce livre entrer en production et avons hâte de le voir se répandre de nouvelles manières pour continuer à remodeler l’avenir de Lefebvre et son héritage intellectuel et politique.
