La BCE a-t-elle raison de s’attaquer au changement climatique ?

Le vrai problème ici n’est pas que la BCE prenne un risque très important en poursuivant des objectifs climatiques, mais plutôt, qu’elle ne peut pas se permettre de ne pas le faire. Et ce faisant, il aide à établir à quel point le changement climatique est urgent.

Cet article d’opinion a été initialement publié dans la section Money Review de Kathimerini et est à paraître dans El Economista.

La plus grande innovation de la récente révision de la stratégie de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) est de loin l’accent qu’elle met sur les questions de changement climatique. La BCE se joint à d’autres banques centrales, comme la Banque d’Angleterre, pour apprécier qu’en tant qu’acteur important du système financier, elle a au moins l’obligation d’examiner la question.

Mais peut-il faire plus que simplement l’envisager ? Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la BCE veut être un acteur actif dans ce combat. Le changement climatique affectera les types et l’ampleur des investissements nécessaires. En tant que tel, cela affectera la stabilité des prix, objectif principal de la BCE, mais aussi la stabilité financière. De même, le profil de risque des actifs que la BCE détient dans son bilan sera affecté par le changement climatique et les politiques pour le contrer. Par conséquent, la BCE voudra à tout le moins essayer de contrôler les types de risques qu’elle prend et, idéalement, souhaiterait les orienter vers une plus grande durabilité.

Ce qui est moins clair cependant, c’est ce qu’il peut faire à ce sujet. Dans un article récent, la BCE présente un plan d’action.

Il parle d’abord de données. La mesure et la collecte de données sur les effets du changement climatique sur l’économie et la manière dont les politiques influencent ces effets sont cruciales pour notre compréhension. Ensuite, il s’agit de savoir comment la zone euro et le système financier dans son ensemble sont exposés aux risques climatiques. Les notations de crédit reflètent-elles adéquatement ces risques ? Viennent enfin les outils. Les modèles et les méthodes de mesure de la stabilité des prix devront tenir compte de considérations climatiques complexes et difficiles à suivre.

La BCE est très ambitieuse lorsqu’elle parle de son rôle dans la lutte contre le changement climatique. Mais il est important d’apprécier deux difficultés.

La première est que si la science du changement climatique laisse peu de place au doute, notre compréhension de l’impact économique est, en revanche, minime. On connaît l’impact de certaines politiques, mais on en sait beaucoup moins sur leur coût et même sur la manière de les mettre en œuvre. Par conséquent, la conception de trajectoires politiques sur plusieurs décennies, le calendrier approprié ici, est extrêmement difficile.

La seconde est que si les banques centrales ont sans aucun doute un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique, la vraie bataille doit être menée par d’autres décideurs politiques, et même par le grand public, aujourd’hui et à l’avenir.

Dans le dernier World Energy Outlook, en préparation de la COP26 à Glasgow, l’Agence internationale de l’énergie explique à quel point l’objectif de zéro émission nette est à la fois critique et formidable. Mais il parle également d’engagements répétés et de lacunes dans la mise en œuvre. Il explique comment les engagements actuels de zéro net et les efforts politiques qu’ils nécessitent ne sont pas synchronisés et comment des retards supplémentaires rendront encore plus difficile le rattrapage ultérieur. Les politiques climatiques se heurtent donc à des problèmes de crédibilité. Des problèmes qui sont dus à sa nature, à savoir être un bien public mondial qui nécessite une coordination mondiale, et être soumis à la tragédie des horizons, l’incapacité de faire les bons investissements aujourd’hui qui affecteront les générations futures.

La BCE peut-elle contribuer à améliorer cette crédibilité ? Ou la BCE subira-t-elle au contraire les conséquences de ce manque de crédibilité, à savoir une perte de notoriété alors que d’autres n’atteignent pas les objectifs climatiques à la bonne vitesse ?

Pour pouvoir y répondre, la BCE devra réfléchir très attentivement à la manière dont elle rendra compte de ses ambitions climatiques.

Son cadre de politique monétaire a beaucoup insisté sur la définition des objectifs, l’explication de ce que signifie le « succès » et la communication requise pour expliquer les risques qui entourent les résultats des politiques. Ce cadre de responsabilité fait partie intégrante de la crédibilité sur laquelle s’appuie la BCE pour atteindre ses objectifs.

Comment cela fonctionnera-t-il en ce qui concerne le climat? Quels sont les objectifs qu’elle peut se fixer ? Sera-t-il capable de les atteindre dans un horizon politique prédéfini ? Et peut-elle accepter de manière réaliste le coût de l’échec à atteindre les objectifs climatiques objectifs qui nécessitent la coopération de nombreux acteurs politiques ?

Fait important, existe-t-il un risque que le non-respect de ces objectifs interfère en fait avec son objectif principal de stabilité des prix en nuisant à sa réputation ?

Le vrai problème ici n’est pas que la BCE prenne un risque très important en poursuivant des objectifs climatiques, mais plutôt, qu’elle ne peut pas se permettre de ne pas le faire. Et ce faisant, il aide à établir à quel point le changement climatique est urgent.


Réédition et référencement

Bruegel se considère comme un bien public et ne prend aucune position institutionnelle.

En raison des accords sur les droits d’auteur, nous vous demandons de bien vouloir envoyer par courrier électronique votre demande de republier les opinions qui ont paru sous forme imprimée à [email protected].

Vous pourriez également aimer...