Un accord est nécessaire au niveau international sur des mécanismes pour assurer une meilleure préparation à la prochaine pandémie.
COVID-19 s’est avéré une surprise pour la plupart des pays du monde malgré une tendance à des épidémies de pathogènes de plus en plus fréquentes au cours des 40 dernières années. Les scientifiques préviennent que la tendance va se poursuivre. Mais les crises pandémiques souffrent généralement d’un cycle de « panique et négligence », dans lequel les mesures mondiales visant à prévenir et à se préparer aux futures pandémies restent chroniquement déficientes. Le COVID-19 sera-t-il différent ?
Cela devrait être dû au fait que l’ampleur et la gravité de cette pandémie sont d’un ordre de grandeur différent de celui de n’importe quelle épidémie au cours des 40 dernières années. Il y a un certain élan pour plus de multilatéralisme dans la sécurité sanitaire mondiale : le sujet est à l’ordre du jour des principaux forums internationaux, mais sans aucun signe pour l’instant d’engagements forts en matière de réforme et de soutien financier. Le risque de ne pas rompre le cycle panique et négligence est réel. L’Union européenne pourrait jouer un rôle déterminant dans la négociation d’un accord mondial.
Un certain nombre de rapports contenant un diagnostic approfondi de la crise du COVID-19 et des propositions de mesures futures ont été publiés au cours des six derniers mois. Il s’agit notamment du rapport de mai 2021 du Groupe indépendant pour la préparation et la riposte aux pandémies (IPPPR), convoqué par l’Organisation mondiale de la santé/Banque mondiale ; un rapport d’un panel indépendant de haut niveau (HILP) au G20 à la demande de la présidence italienne du G20 ; et un rapport de l’OMS Europe’s Pan–Commission européenne de la santé et du développement durable. Tous concluent que la gouvernance mondiale de la sécurité sanitaire est fragmentée et non transparente, et que la prévention et la préparation aux pandémies sont largement sous-financées. Tous font des recommandations sur la gouvernance mondiale et le financement :
Pourtant, il ne sera pas facile pour la communauté internationale de se mettre d’accord sur la voie à suivre. Un choix devra être fait entre le recours à un système basé sur les Nations Unies ou un système plus flexible ad hoc mis en place, comme le G20, tel que proposé par la Commission paneuropéenne de l’OMS Europe et le HLIP. L’IPPPR promeut un système basé sur l’ONU, perçu comme offrant plus de légitimité grâce au principe « un pays, une voix ». Elle peut garantir un engagement politique au plus haut niveau des chefs d’État et de gouvernement. Il peut délivrer un nouveau traité avec des obligations fortes et des contributions financières obligatoires. Mais comme montré pour le changement climatique, un tel système est lent et pas toujours efficace pour lever des fonds dans la pratique.
Les propositions en faveur d’un organe sous les auspices du G20 s’appuient sur les bons antécédents du Conseil de stabilité financière (CSF) en tant qu’organe informel qui a façonné et appliqué avec succès la réglementation financière internationale, ouvrant la voie à la sortie de la crise financière. Le G20 est perçu comme plus agile et axé sur les solutions. Il couvre les donateurs les plus importants dans le domaine de la santé mondiale. Il s’appuie fortement sur le club des ministres des finances, qui gèrent les budgets nationaux et peuvent mobiliser des ressources nationales et internationales, y compris du secteur privé. En revanche, le G20 a un problème de représentativité, bien que l’adhésion puisse être étendue à un format G20+. De plus, les structures du G20 n’ont pas toujours les ressources et le leadership nécessaires et n’ont pas de processus de responsabilisation pour gérer les fonds. La voie à suivre pourrait être une structure à deux niveaux dans laquelle l’organe lié au G20 ferait rapport au Global Health Threat Council. Il convient d’éviter une structure de gouvernance lourde susceptible de conduire à la paralysie et à la dilution des responsabilités.
Le deuxième problème est la préparation à la pandémie et le financement de la riposte. Les différents rapports d’experts font état de déficits de financement de 5 à 15 milliards de dollars par an. Ces estimations sont considérablement plus élevées que n’importe quel chiffre précédemment estimé par la communauté mondiale de la santé, et représenteraient un effort supplémentaire important pour la communauté internationale par rapport aux niveaux actuels de dépenses. Ceci reflète en partie une volonté de plus de mutualisation des ressources au niveau international, dans une logique de biens publics mondiaux. Il prend également en compte l’expérience COVID-19, avec la nécessité de soutenir l’approvisionnement mondial en vaccins, produits thérapeutiques et diagnostics avec un financement substantiel.
Il est essentiel que la communauté internationale tienne dûment compte de ces besoins. Le débat ne portera pas seulement sur les montants. Des décisions doivent également être prises sur la manière de canaliser les financements vers la constellation d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux dans le domaine de la sécurité sanitaire mondiale. Un nouveau fonds pourrait être établi (comme proposé par l’IPPPR de l’OMS/Banque mondiale), ou il pourrait y avoir un fonds de fonds, un Fonds intermédiaire financier (FIF), hébergé par la Banque mondiale (comme proposé par le G20 HLIP). Décider du centre de gravité du système mondial de soutien financier à la sécurité sanitaire fera également partie des premières discussions internationales. Un rôle central pourrait être joué par les institutions financières internationales (IFI), qui disposent d’un fort pouvoir de levier et d’une longue expérience du financement de programmes. Alternativement, la direction pourrait être confiée à une organisation mondiale de sécurité sanitaire, par exemple l’OMS ou le Fonds mondial. La communauté mondiale de la santé leur fait confiance pour leur expertise et leur expérience des systèmes de santé, des politiques liées aux maladies infectieuses et aux crises sanitaires. Ils sont doués pour créer une communauté chargée de la prévention et de la préparation, impliquant des participants non gouvernementaux.
Ces discussions ont commencé, par exemple lors du sommet du G7 en juin 2021 et de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. Les discussions se poursuivront lors de la réunion du G20 en octobre et de l’Assemblée mondiale de la santé en novembre. En septembre, les États-Unis ont déjà élaboré une stratégie de prévention et de préparation aux pandémies et ont organisé un sommet mondial COVID-19 pour promouvoir des objectifs mondiaux communs. Dans ce cadre, les États-Unis se sont prononcés en faveur d’un Fonds d’intermédiaire financier, auquel s’est joint la Commission européenne.
Le soutien croissant à cette idée est une très bonne nouvelle bien que davantage de travail soit nécessaire pour persuader le G20. Ce ne sera pas une tâche facile car les différents groupes au sein des gouvernements nationaux – finance, santé et développement – ont des points de vue très différents sur la gouvernance et le financement. Il n’y a pas encore de vue unifiée sur ces questions parmi les pays de l’UE. Mais ne pas y parvenir augmenterait le risque que la crise du COVID-19 cède la place à un autre cycle de « panique et négligence ».
Les États-Unis semblent prêts à passer à l’action, avec un financement de démarrage annoncé de 850 millions de dollars pour le nouveau mécanisme de financement. Traditionnellement, les États-Unis ont été un leader mondial de la sécurité sanitaire avec un financement pour la sécurité sanitaire mondiale de 57,6 milliards de dollars engagé entre 2014 et 2020. Le deuxième bailleur de fonds est le Royaume-Uni avec 12,5 milliards de dollars. L’UE arrive en troisième position avec 9,7 milliards de dollars provenant du financement central de l’UE et 12,6 milliards de dollars collectivement des 27 États membres. L’UE a besoin des engagements de tous les États membres pour atteindre une masse critique de financement. Avec des tensions géopolitiques croissantes, la contribution américaine ne sera pas suffisante pour assurer une réponse mondiale. L’UE a les moyens d’agir en tant qu’intermédiaire efficace dans ce nouveau dispositif multilatéral et devrait développer une vision commune sur les propositions de gouvernance pour la prévention et la préparation aux pandémies. La légitimité internationale de l’UE bénéficiera d’efforts financiers de grande envergure et d’une Union européenne de la santé bien ancrée dans le paysage mondial.
Citation recommandée :
Bucher, A. (2021) « Prévention de la pandémie : éviter un autre cycle de « panique et négligence » », Blogue Bruegel, 7 octobre
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