Taux d’intérêt bas en Europe et aux États-Unis: une tendance, deux histoires

Les taux d’intérêt sont en baisse à long terme, associée à une baisse de la croissance de la productivité. Pour y faire face, les priorités sont de réduire la concentration du marché et, en Europe, de changer le modèle de financement.

Nous remercions Lionel Guetta-Jeanrenaud pour son excellente aide à la recherche et Faÿçal Hafied pour avoir attiré notre attention sur les ESOP. Nous remercions les participants au séminaire de Bruegel pour leurs commentaires et suggestions. Cette recherche a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne dans le cadre de la convention de subvention no. 822390.

Tant en Europe qu’aux États-Unis, les taux d’intérêt baissent depuis plus de quinze ans. Pendant une grande partie de cette période, les taux d’intérêt réels ont été négatifs et devraient rester négatifs pendant au moins une autre décennie. La littérature associe cette baisse des taux d’intérêt à une baisse également prolongée de la productivité. Mais la baisse de productivité apparaît paradoxale compte tenu des avancées technologiques majeures.

La baisse du prix du capital est soutenue par les facteurs qui ont provoqué une baisse de la demande de capital, ainsi qu’une augmentation relative de son offre. Du côté de l’offre, le vieillissement et une augmentation du risque macroéconomique global depuis la crise financière ont tous deux entraîné une augmentation de l’épargne. Du côté de la demande, l’augmentation de l’importance du capital immatériel dans la production a réduit la demande de capital physique.

Néanmoins, pour les États-Unis, la littérature a identifié l’augmentation de la concentration du marché comme le principal facteur responsable de la réduction de la demande globale de capital. L’innovation numérique a conduit à la création d’entreprises champions qui ont conquis de grandes parts de marché et ont été en mesure d’empêcher d’autres d’entrer non seulement sur le marché américain, mais aussi sur les marchés mondiaux. Cela a freiné les investissements.

L’Europe est affectée par la domination numérique des États-Unis, mais d’autres facteurs, notamment le vieillissement et l’augmentation du risque, sont plus importants pour soutenir la pression à la baisse sur les taux d’intérêt. En particulier, le manque de capital-risque, dans le contexte des marchés de capitaux, contribue à cette pression à la baisse dans l’UE. Comme l’économie du savoir repose de plus en plus sur le capital immatériel, un système bancaire qui nécessite des garanties n’est pas bien adapté pour financer les investissements. Le manque de financements adéquats restera un facteur important de la pression à la baisse sur les taux d’intérêt.

Les facteurs structurels à l’origine de la pression à la baisse sur les taux d’intérêt impliquent que la politique macroéconomique aura un rôle réduit dans la gestion de la demande globale. La politique monétaire dans la zone euro consistera davantage à prévenir la fragmentation financière et moins à stimuler la demande. De même, la politique budgétaire aura davantage un rôle de soutien que de stimulation.

Pour lutter contre le déclin structurel du dynamisme du marché et donc des taux réels, il faudra des politiques structurelles pour réduire le pouvoir de marché au niveau mondial et garantir la création de marchés de capitaux dans l’UE.

Citation recommandée

Demertzis, M. et N.Viegi (2021) «  Les faibles taux d’intérêt en Europe et aux États-Unis: une tendance, deux histoires  », Contribution politique 07/2021, Bruegel

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