La Russie de Poutine est un vairon comparé au bloc soviétique de la guerre froide

Pour le moment du moins, sur la base des mesures non militaires considérées ici, le poids mondial de Moscou est l’ombre de son ancien moi soviétique.

Il est devenu banal d’analyser l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et son antagonisme avec les États-Unis et ses pairs pro-ukrainiens, à travers le prisme de la guerre froide. Ce cadrage est logique, mais il est important de garder à l’esprit que le bloc actuel centré sur la Russie, incluant même la Biélorussie et la Syrie, est beaucoup plus petit que ne l’était le bloc soviétique.

Les graphiques suivants sont basés, pour la fin de la guerre froide, sur la composition du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon) et du Mouvement des pays non alignés, et pour le moment, sur les votes de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) sur la guerre en Ukraine (voir note méthodologique ci-dessous). À la fin de la guerre froide, le bloc soviétique représentait 9 % de la population mondiale et 10,5 % de son économie, mesurée à parité de pouvoir d’achat (PPA). Les chiffres équivalents pour la Russie et ses alliés (le « bloc Poutine ») en 2020 sont de 2,5 % et 3,5 %. Si elle est mesurée au taux de change du marché, avant même de tenir compte de la récente dépréciation du rouble, la part du bloc Poutine dans le PIB est encore plus faible : 1,8 % contre 6 % pour le bloc soviétique à la fin de la guerre froide. La population du bloc Poutine est inférieure d’environ 60 %, à 197 millions, contre 483 millions en 1990 pour le bloc soviétique. Ceci est le résultat combiné d’une portée géographique réduite, de la baisse démographique du groupe restant et de la mauvaise performance économique.

Dans ces tableaux, la Chine est comptée dans le groupe anti-soviétique à la fin de la guerre froide (même si la relation sino-russe était à un stade précoce de reprise avec la visite de Mikhaïl Gorbatchev à Pékin en 1989, et la répression de Tiananmen avait temporairement refroidi les relations sino-américaines). En 2020, la Chine est comptée parmi les gardiens de la clôture, sur la base de son comportement de vote à l’ONU. Cela pourrait changer bien sûr, avec des opinions divergentes sur cette question critique. Mais pour le moment du moins, sur la base des mesures non militaires considérées ici, le poids mondial de Moscou n’est que l’ombre de son ancien moi soviétique.

Note sur la méthodologie et les données : Le PIB est calculé à parité de pouvoir d’achat, telle qu’estimée par la Banque mondiale. Les données de la fin de la guerre froide datent de 1990. Le bloc soviétique à cette date est défini comme les pays membres du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon). Pour l’instant, le Bloc Poutine est défini comme les cinq pays qui ont voté contre la dernière résolution de l’AGNU demandant à la Russie de cesser immédiatement les hostilités en Ukraine, adoptée le 24 mars 2022. Les « fence-sitters » à la fin de la guerre froide sont les pays qui ont participé au sommet du Mouvement des non-alignés tenu à Belgrade en septembre 1989 (moins Cuba et le Vietnam, car ceux-ci étaient également dans le Comecon). Pour l’instant, ce sont les pays qui se sont abstenus ou qui n’ont pas voté sur la résolution de l’AGNU du 24 mars. Les groupes « anti-soviétique » et « anti-Poutine » désignent les pays qui n’appartiennent pas aux deux groupes précédents. Pour le moment, cela signifie tous les pays qui ont voté en faveur de la résolution de l’AGNU du 24 mars. Les dépendances non représentées par l’ONU sont incluses dans la juridiction souveraine dont elles dépendent, par exemple Hong Kong avec le Royaume-Uni à la fin de la guerre froide et avec la Chine maintenant. Les pays devenus indépendants depuis 1990 sont désagrégés pour le moment, mais comptés avec leur prédécesseur à la fin de la guerre froide, par exemple le Soudan du Sud. L’Allemagne est divisée schématiquement à la fin de la guerre froide : un quart de la population et du PIB allemands sont attribués à la République démocratique allemande, et le reste à la République fédérale. Les données sur le PIB de la Banque mondiale présentent des lacunes, notamment l’absence de données pour Taïwan, mais celles-ci sont trop petites pour modifier de manière significative les agrégats présentés.

Citation recommandée :

Véron, N. (2022) « La Russie de Poutine est un vairon comparé au bloc soviétique de la guerre froide », Bruegel Blog8 avril


Réédition et référencement

Bruegel se considère comme un bien public et ne prend aucune position institutionnelle. N’importe qui est libre de republier et/ou de citer ce message sans consentement préalable. Veuillez fournir une référence complète, en indiquant clairement Bruegel et l’auteur concerné comme source, et inclure un lien hypertexte bien visible vers le message d’origine.

Vous pourriez également aimer...