L’impact d’un choc énergétique sur l’économie canadienne

Alors que les conditions géopolitiques se détériorent et que le bilan humain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie s’alourdit, l’impact économique augmente également, en particulier sur les marchés mondiaux de l’énergie.

Même si l’impact sur le produit intérieur brut du Canada sera minime grâce à la vigueur de l’industrie énergétique du Canada, les consommateurs et les entreprises supporteront le coût total de la hausse de l’inflation.

Les prix du pétrole doublaient déjà en raison de la demande refoulée ainsi que de la faiblesse de l’offre. Après le début de l’invasion le 24 février, le prix de référence du Brent a dépassé 110 $ US le baril pour la première fois depuis 2011.

Bien que les prix élevés du pétrole et du gaz aient été une bonne nouvelle pour l’économie canadienne au cours des dernières décennies, cette fois, c’est différent.

Le Canada restera relativement isolé par rapport à l’Europe en raison de son indépendance énergétique. L’augmentation des prix du pétrole pourrait entraîner une variation du PIB du Canada d’un peu moins de 1 %, les effets de la réduction de la consommation étant compensés par une augmentation des revenus énergétiques.

Choc énergétique et PIB du Canada

Ce qui est plus préoccupant, c’est qu’elle poussera l’inflation à des niveaux jamais vus depuis le début des années 1980, car chaque augmentation de 10 $ US du prix du pétrole le baril peut faire grimper l’inflation de 0,4 point de pourcentage, selon la Banque du Canada.

Étant donné que les prix du gaz naturel sont moins mondialisés, ils connaîtront des augmentations moins spectaculaires au Canada et auront peu d’impact global sur le PIB et l’inflation.

Bien que l’effet net de ce choc semble mineur, un examen plus approfondi révèle clairement les gagnants et les perdants : l’industrie de l’énergie connaîtra sa meilleure année depuis 2014, tandis que les consommateurs et les entreprises des autres secteurs ressentiront la douleur des prix élevés de l’énergie.

L’industrie de l’énergie

Le Canada demeure dans une position avantageuse en tant que premier producteur et exportateur mondial d’énergie et n’aura pas à s’inquiéter des pénuries d’énergie.

Pour avoir une idée des gains économiques de l’industrie de l’énergie, ne cherchez pas plus loin que l’Alberta, qui représente 80 % de la production totale de pétrole du Canada. Le budget de l’Alberta devrait être excédentaire cette année pour la première fois depuis 2014.

Étant donné que l’énergie représente près de 10 % du PIB total du Canada et plus d’un cinquième des exportations totales du Canada, ces gains économiques aideront à compenser l’effet négatif des prix élevés du pétrole sur d’autres secteurs de l’économie.

Pourtant, la production d’énergie au Canada est enclavée et concentrée dans l’Ouest canadien. Bien que de grandes quantités de pétrole brut soient exportées, le Canada n’a pas de moyen facile d’exporter du gaz naturel vers l’Europe et d’augmenter ses revenus si la guerre se prolonge.

Consommateurs et entreprises

La guerre est la dernière d’une série d’événements, dont la pandémie, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les catastrophes naturelles et les manifestations qui ont fait grimper les prix à la consommation.

Les entreprises connaîtront des coûts d’exploitation plus élevés, en particulier celles des industries à forte intensité énergétique comme la fabrication et l’agriculture. Ces coûts seront répercutés sur les consommateurs.

Choc énergétique et inflation au Canada

Les consommateurs ressentiront le pincement lors du remplissage de leurs réservoirs. De plus, les prix élevés du pétrole augmentent les coûts de transport, ce qui, en plus des coûts d’exploitation élevés des entreprises, fera grimper l’inflation à près de 6 %.

L’environnement inflationniste prolongé nuira aux consommateurs, en particulier aux personnes à faible revenu, et sapera la demande et la confiance des consommateurs ainsi que la croissance économique.

Réponse politique

Le Canada ne profitera peut-être pas des prix élevés du pétrole cette fois-ci, mais à long terme, ce ne sera peut-être pas une mauvaise chose.

Le dollar canadien, qui dans le passé était étroitement lié aux prix du pétrole brut, est demeuré stable au cours des dernières semaines. Cela signale un départ marqué de l’économie canadienne du pétrole et du gaz, ce qui est conforme aux objectifs du pays de devenir neutre en carbone d’ici le milieu du siècle.

Il est peu probable que le gouvernement canadien mette en place des politiques pour aider les consommateurs à faire face aux prix élevés du pétrole.

Premièrement, le Canada ne dispose pas d’outils comme la réserve stratégique de pétrole aux États-Unis, car les sables bitumineux pourraient fonctionner comme des réserves, et on s’attend déjà à ce qu’ils produisent à des niveaux records pour répondre à la demande.

Plus important encore, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de carbone en augmentant annuellement sa taxe fédérale sur le carbone. Après tout, l’objectif de la taxe sur le carbone est de rendre les combustibles fossiles plus chers, ce qui décourage la consommation.

Une façon de penser au choc énergétique actuel est comme une taxe sur le carbone inattendue et coûteuse. Toute tentative de réduction des prix, par le biais de remises supplémentaires ou autrement, irait à l’encontre de l’objectif de la taxe carbone.

Au final, ce choc pourrait jouer le rôle de catalyseur de la transition énergétique. Si les prix élevés du pétrole persistent, les entreprises finiront par innover et passeront aux énergies renouvelables. Les consommateurs s’adapteront en réduisant leur consommation et en conduisant moins. Le gouvernement financera des projets pour accélérer l’utilisation généralisée des énergies renouvelables.

Notre modèle suppose que le choc énergétique sera temporaire. Les sanctions actuelles laissent l’énergie relativement intacte car une grande partie de l’Europe dépend fortement du pétrole et du gaz russes.

Si la guerre s’éternisait, il faudrait revoir le modèle et réexaminer l’impact économique sur les consommateurs ainsi que sur les entreprises.

La vente à emporter

Alors qu’un choc énergétique aigu se traduira par un léger effet net global sur l’économie, un choc prolongé pourrait freiner la demande des consommateurs et retarder la reprise économique.

Les entreprises et les consommateurs subiront le poids de la hausse des prix. Et après une série de chocs économiques au cours des deux dernières années, la patience est de mise. Comme les économistes aiment à le dire, le remède aux prix élevés, ce sont les prix élevés.

La persistance d’une inflation élevée incitera les ménages et les entreprises à trouver des moyens de s’adapter. Ce choc pourrait également agir comme un autre signal d’alarme pour que le Canada réduise sa dépendance aux combustibles fossiles et bâtisse une économie plus résiliente.

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