Redéfinir l’agenda de l’éducation et de l’apprentissage dans les contextes de conflit

Prospective Afrique 2023Les conflits, l’insécurité et les crises humanitaires qui en résultent ont imposé des perturbations majeures aux systèmes éducatifs dans de nombreuses régions du continent africain. Entre 2020 et 2021, plus de 2 000 attaques contre des écoles et des infrastructures éducatives ont été documentées dans 14 pays africains, la République démocratique du Congo et le Mali étant les plus touchés. Au Sahel central (à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger), la confluence des conflits armés et des menaces d’attaques a entraîné la fermeture de 7 000 écoles, affectant l’éducation de 1,3 million d’enfants et de jeunes, tandis que plus de 30 000 enseignants sont incapables enseigner. Les filles sont particulièrement touchées et sont moins susceptibles de revenir suite à ces fermetures d’écoles.

En 2022, le nombre de personnes déplacées de force a atteint 36 millions sur le continent africain, soit une multiplication par trois au cours des dix dernières années, et la majorité sont des enfants et des jeunes. Si les tendances dominantes persistent, le nombre d’enfants et de jeunes ayant besoin d’un soutien éducatif dans les zones touchées par les conflits est susceptible de monter en flèche. Les déplacements forcés affectent de manière aiguë l’accès à l’éducation et la poursuite de l’apprentissage, mais les systèmes éducatifs actuels ne sont pas équipés pour faire face aux déplacements forcés prolongés dans les contextes touchés par les conflits. Les enfants déplacés de force bénéficient en moyenne de moins d’années de scolarité et sont moins susceptibles de passer à l’école secondaire.

Pourquoi l’offre d’éducation est-elle importante dans les situations de conflit ?

Il convient de souligner pourquoi l’éducation est importante dans les situations de conflit. L’éducation seule n’empêche pas les conflits d’éclater. Cependant, l’éducation est essentielle à la consolidation d’une paix durable et offre une opportunité tangible de briser les cycles d’inégalité qui sont une caractéristique marquante des États fragiles et touchés par des conflits sur le continent. En outre, l’éducation peut s’attaquer à certains des moteurs de l’extrémisme violent, bien que les preuves montrent que les attentes non satisfaites des jeunes instruits pourraient encore alimenter les griefs et susciter le soutien à l’extrémisme violent. Troisièmement, garder les enfants à l’école pendant les crises ou les conflits procure un sentiment de normalité, qui est essentiel à leur bien-être psychologique et à leur développement cognitif.

Que doivent faire les décideurs politiques pour réaliser la promesse de la résolution UNSC 2601 ?

Du point de vue des droits et du cadre des capacités, la poursuite de l’apprentissage est essentielle à la façon dont les communautés déplacées de force réinventent leur avenir. Dans un effort initié et coordonné par le Niger et la Norvège, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté à l’unanimité la résolution historique sur la protection de l’éducation dans les zones de conflit armé (UNSCR2601). La réalisation de la promesse de cet engagement contraignant (applicable à tous les États membres de l’ONU) nécessitera une réponse plus intentionnelle et une approche coordonnée, au milieu de crises de plus en plus prolongées, complexes et souvent à dimension régionale.

1. Inverser les tendances de la baisse du financement gouvernemental et humanitaire pour l’éducation :

L’insécurité impose une pression budgétaire sur les gouvernements, ce qui réduit souvent la proportion des dépenses publiques consacrées à l’éducation. Cela a un impact négatif sur la capacité des systèmes éducatifs à répondre aux besoins des enfants et des jeunes touchés par les conflits, l’insécurité et la violence (voir la figure 22 ci-dessous).

De plus, pour être efficaces, les interventions doivent s’appuyer sur des pratiques humanitaires et de développement conjointes. Pourtant, dans de nombreux pays africains, notamment au Sahel, le volet humanitaire de l’éducation est gravement sous-financé : au Mali et au Burkina Faso, respectivement, moins de 7 % et 3 % % des appels humanitaires pour l’éducation ont été satisfaits, contre une moyenne mondiale de 50,7 %.

figue 22

2. Renforcer les données et les preuves sur les résultats d’apprentissage et les trajectoires des enfants et des jeunes en déplacement forcé :

Il y a un manque de données, en particulier sur les enfants déplacés internes, qui se retrouvent souvent absorbés par les communautés d’accueil plus larges. Par conséquent, leurs besoins éducatifs ne sont souvent pas pleinement pris en compte, car ils ne sont pas mesurés par des données conventionnelles. Des données de qualité désagrégées, collectées en toute sécurité et de manière éthique, ainsi que normalisées peuvent également favoriser de meilleurs diagnostics et la conception de politiques et de programmes. Au-delà des données quantitatives, l’utilisation de mesures qualitatives qui documentent les expériences et les trajectoires éducatives des filles et des garçons déplacés internes peuvent jeter les bases d’approches plus inclusives, tant pour les enfants déplacés de force que pour leurs communautés d’accueil.

3. Revoir comment l’éducation est dispensée et dans quel but :

Une grande partie de l’éducation dans les situations d’urgence se concentre sur l’enseignement primaire, avec peu d’attention accordée à la formation post-primaire et professionnelle que les jeunes déplacés de force citent comme un moyen précieux de lier l’éducation aux opportunités économiques. De plus, la reconnaissance que l’éducation est effectivement déjà une priorité pour les communautés déplacées de force peut aider à recadrer l’angle des interventions, avec un accent renouvelé sur les obstacles structurels. Enfin, la qualité compte, et plus encore pour les populations confrontées à des crises : sans un environnement qui favorise l’apprentissage et offre une valeur claire, rester à l’école devient presque impossible pour les populations confrontées à tant de besoins concurrents. La continuité de l’éducation dans les situations de crise, en particulier pour les filles, dépend de la qualité et de la perception de la valeur de la scolarisation.

En conclusion, il est impératif que les pays africains investissent dans l’éducation dans les situations de crise, malgré les défis associés dans les pays fragiles et touchés par des conflits. Ce faisant, l’Afrique a l’occasion de réinitialiser l’agenda de l’éducation dans les situations de crise et de concevoir des stratégies efficaces pour fournir une éducation de qualité à la population croissante d’enfants et de jeunes touchés par les conflits armés.

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