les grands enjeux stratégiques de la prochaine mandature européenne

les grands enjeux stratégiques de la prochaine mandature européenne

À la suite des élections de la semaine dernière, l'Union européenne entre dans une nouvelle phase. L’une des premières tâches principales du nouveau Parlement européen – avec des partis politiques eurosceptiques renforcés – sera d’examiner les candidats aux postes de président et de commissaires de la Commission européenne. Trois compromis globaux en matière de politique économique définiront le contexte de la nouvelle Commission dès le début de son mandat, et les législateurs devraient pousser les candidats sur la manière dont ils les géreront.

La première est de savoir comment combiner, au niveau macroéconomique, le soutien à la croissance et la stabilité financière et budgétaire. Deuxièmement, la Commission doit progresser en matière de durabilité environnementale sans compromettre le potentiel de production et la cohésion sociale. Troisièmement, des décisions doivent être prises sur la manière d’intégrer la recherche d’efficacité, qui nécessite de l’innovation et de longues chaînes de valeur, et la recherche de sécurité (y compris la sécurité économique), qui est menacée par la multiplication des conflits internationaux.

La gestion efficace des arbitrages macroéconomiques nécessite une application crédible des nouvelles règles budgétaires de l'UE qui ont été convenu en avril. Le 19 juin, l'actuelle Commission entamera une procédure pour déficits publics excessifs à l'encontre d'une douzaine de pays de l'UE dont les déficits en 2023 dépasseraient 3 % du PIB. Deux jours plus tard, il délivrera à ces pays, ainsi qu'à ceux dont la dette publique dépasse 60% du PIB, des trajectoires de référence confidentielles pour l'ajustement des dépenses primaires nettes dans le cadre de leurs plans budgétaires et structurels, à mettre en œuvre sur quatre ou sept ans selon sur l'affaire.

Il n’existe aucune obligation d’incorporer ces trajectoires suggérées dans les plans nationaux, mais les pays qui dépassent les seuils devront garantir une réduction progressive de la dette et une amélioration de la qualité (par le biais de réformes et d’investissements) des finances publiques. Le résultat des élections européennes a rendu encore plus nécessaire une application crédible des nouvelles règles budgétaires, en particulier pour des pays comme La France, où l'incertitude politique n'est pas passée inaperçue auprès des marchés. Ces ajustements soutiendront l’assouplissement progressif de la politique monétaire et, en contribuant à restaurer un climat de confiance mutuelle, pourraient relancer le débat sur la création d’une capacité budgétaire centrale de l’UE.

Sans une capacité budgétaire centrale permanente, les restrictions imposées aux politiques budgétaires nationales transmettraient des impulsions récessives à l’économie de l’UE, ce qui rendrait ingérables les impacts productifs et sociaux des transitions verte et numérique. Ce serait une erreur d’édulcorer les objectifs européens de décarbonation et d’innovation. Il est au contraire essentiel de reconnaître que des changements aussi radicaux nécessitent des réformes et des investissements pour stimuler l’adoption de nouvelles technologies vertes, investir dans le capital humain et protéger la cohésion sociale.

Il s’ensuit qu’une capacité budgétaire centrale permanente est également nécessaire pour financer de nouvelles politiques industrielles et sociales centralisées, dans le contexte du compromis en matière de durabilité. Le budget pluriannuel de l'UE devra soutenir la « triple transition » verte, numérique et sociale, tout en fournissant également des biens publics européens en matière de défense et de sécurité.

La résolution du troisième compromis, celui de l'allocation, nécessite la revitalisation du marché unique européen, à l'instar de la décision d'avril Rapport Letta. Cela nécessite également une réponse ferme à la menace d’une spirale protectionniste alimentée par les mesures prises par les États-Unis contre les énormes subventions que la Chine accorde à ses entreprises. Si cette escalade dégénérait en véritable guerre commerciale – probablement si Donald Trump était réélu à la Maison Blanche – l’économie européenne en serait la première victime, compte tenu de sa plus grande ouverture au commerce international.

L'UE a donc intérêt à mettre en œuvre un une stratégie de réduction des risques plutôt qu’une stratégie de découplage envers la Chine. Le principe de 'fait avec Europe » plutôt que « made » dans L'Europe ' devrait être rendu efficace. L’UE devrait garantir des chaînes de valeur accessibles et poursuivre une dépendance bidirectionnelle à l’égard des matières premières critiques, de l’énergie et d’autres composants de production. Cela suppose des initiatives communes entre pays européens qui semblent malheureusement encore lointaines.

La nouvelle Commission doit présenter ses premières propositions sur le budget de l'UE pour l'après-2027 dès la fin juin 2025. Dans ces propositions, des décisions cruciales devront être prises concernant la mise en œuvre des nouvelles règles budgétaires, l'approvisionnement en biens publics et choix de politique industrielle. Aborder efficacement les compromis en matière de macroéconomie, de durabilité et d’allocation déterminera dans une large mesure le succès économique de la prochaine législature européenne.

Lors des campagnes électorales européennes, ces questions ont été largement négligées. Le nouveau Parlement européen doit surmonter l’inertie et faire pression pour des propositions ambitieuses à cet égard, malgré le poids plus fort des partis nationalistes. Les prochaines auditions des candidats de la Commission devant le Parlement européen constitueront un test crucial.

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