Une taxe sur la frontière européenne du carbone: beaucoup de douleur, peu de gains

La Commission européenne ne devrait pas faire de la mise en œuvre d'un mécanisme d'ajustement des frontières carbone un élément incontournable de sa politique climatique. Il y a peu de preuves empiriques solides qui justifieraient une mesure d'ajustement carbone. De plus, des défis logistiques, juridiques et politiques importants se poseront lors de la conception. L'UE devrait plutôt se concentrer sur la mise en œuvre de mesures pour déclencher le développement d'une industrie compétitive à faible intensité de carbone en Europe.

L'accord vert européen s'est fixé pour objectif de réduire les émissions de carbone de l'Union européenne d'environ 40% au cours des dix prochaines années. Atteindre cet objectif impliquera probablement une augmentation significative des prix du carbone. Théoriquement, des prix du carbone plus élevés peuvent entraîner des fuites de carbone ou la délocalisation de l'activité industrielle et des émissions qui en découlent hors des économies à prix élevés du carbone et dans des économies à bas prix du carbone. Pour faire face à cette menace perçue, la Commission européenne envisagera l'inclusion d'un mécanisme d'ajustement des frontières carbone dans le Green Deal européen. Cette taxe s'appliquera aux marchandises importées dans l'UE, en fonction des émissions émises lors de leur production.

La Commission européenne ne devrait pas faire de la mise en œuvre d'un mécanisme d'ajustement des frontières carbone un élément incontournable de sa politique climatique. Il y a peu de preuves empiriques solides qui justifieraient une mesure d'ajustement carbone. Les évaluations des systèmes actuels de tarification du carbone ne révèlent généralement aucune fuite, tandis que la modélisation ex ante tend à trouver des fuites limitées, avec des résultats très sensibles aux hypothèses sous-jacentes. Les écarts de prix de l'énergie – un indicateur indirect des prix du carbone – n'entraînent pas nécessairement une délocalisation de la production à forte intensité énergétique.

En outre, d'importants défis logistiques, juridiques et politiques se poseront lors de la conception d'un mécanisme de frontière carbone. Il faudrait choisir entre des approches plus efficaces mais très complexes et politiquement risquées, et des solutions principalement symboliques mais plus faciles à mettre en œuvre.

Pour simplifier la conception d'un mécanisme de frontière carbone tout en maximisant ses avantages, la Commission a proposé de se concentrer uniquement sur les secteurs à forte intensité de carbone et exposés au commerce. Mais il sera difficile de tracer une ligne stricte entre les secteurs couverts et non couverts. La déviation commerciale entraînera potentiellement un lobbying et la tentation d'un «protectionnisme en cascade», avec des tarifs étendus aux industries le long des chaînes de valeur.
Une stratégie consistant à lier la future politique climatique à la mise en œuvre d'un mécanisme d'ajustement des frontières pourrait donc entraver plutôt qu'aider la politique climatique de l'UE. L'UE devrait plutôt se concentrer sur la mise en œuvre de mesures pour déclencher le développement d'une industrie compétitive à faible intensité de carbone en Europe.

Citation recommandée
Zachmann, G. et B. McWilliams (2020) «Une taxe européenne sur la frontière carbone: beaucoup de douleur, peu de gains», Contribution politique 05/2020, Bruegel

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