Comment le Parlement européen peut-il mieux superviser la Banque centrale européenne?

Ce document, rédigé à la demande de la commission des affaires économiques et monétaires, évalue la manière dont le Parlement européen tient la Banque centrale européenne responsable. Le même exercice est fait pour la Banque du Japon, afin d'identifier d'éventuelles leçons pour la BCE et le Parlement européen.

Ce document a été préparé pour la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen en tant que contribution au dialogue monétaire du 28 septembre 2020 entre ECON et le président de la Banque centrale européenne. Le document original est disponible sur la page Web du Parlement européen, dans le cadre d’une série d’articles sur «Les mécanismes de responsabilité des principales banques centrales et les pistes possibles pour améliorer la responsabilité de la BCE» (ici). Le droit d'auteur reste à tout moment la propriété du Parlement européen.

  • À la suite des crises successives qui ont affecté la zone euro au cours des douze dernières années, le rôle de la Banque centrale européenne (BCE) dans la gestion de l'économie de la zone euro s'est considérablement élargi. Son utilisation d'outils monétaires moins conventionnels et de divers programmes d'achat d'actifs a accru son empreinte sur les marchés financiers et dans l'économie réelle. Bien que nous considérions que cette évolution était justifiée par la situation, elle accroît la nécessité de garantir une responsabilité effective devant le Parlement européen (PE), la seule institution de l'UE élue directement.
  • Ce document évalue le cadre de responsabilité actuel de la BCE et le compare à celui de la Banque du Japon (BoJ). Même si le fonctionnement et les degrés d'indépendance de la BoJ et de la BCE diffèrent considérablement, des leçons utiles peuvent néanmoins être tirées de l'expérience japonaise.
  • Pour être plus responsable, les objectifs primaires et secondaires de la BCE devraient être clarifiés et la transparence du processus décisionnel devrait être accrue. De plus, contrairement aux parlements d'autres juridictions, les compétences du Parlement européen sont très limitées: il ne peut ni nommer ni sanctionner les membres du directoire de la BCE, tandis que des changements fondamentaux dans le fonctionnement de la BCE exigeraient une modification des traités de l'UE, qui doit être approuvé à l’unanimité par les États membres de l’UE.
  • Le BoJ Act de 1997 visait à accroître l'indépendance de la BoJ, mais la BoJ reste beaucoup moins indépendante que les autres grandes banques centrales, et en particulier la BCE. Les pouvoirs publics sont fortement impliqués dans les décisions de politique monétaire au Japon, car les «contacts étroits» et la coordination sont inscrits dans la loi et établis dans la pratique. Par exemple, alors que les principaux objectifs de la BoJ sont inscrits dans la législation japonaise, la définition quantitative de la stabilité des prix (qui a évolué avec le temps) est déterminée par la BoJ, mais le changement le plus récent a été fortement influencé par le gouvernement. Le Parlement japonais est également beaucoup plus puissant que le PE car il peut modifier la loi régissant le fonctionnement de la BoJ et opposer son veto aux nominations au Conseil d'orientation de la BoJ. Les processus décisionnels de la BoJ sont également plus transparents que ceux de la BCE, car la BoJ publie des procès-verbaux détaillés des réunions de politique monétaire avec des détails sur les votes individuels et les raisons de la dissidence.
  • Nous formulons trois recommandations principales pour améliorer le cadre de responsabilité de la BCE. Premièrement, le PE peut et doit améliorer le dialogue monétaire, pour le transformer en une véritable audition visant à évaluer l’efficacité de la BCE à remplir son mandat de stabilité des prix et à contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE. Le PE devrait également examiner la proportionnalité des outils utilisés par la BCE pour s'acquitter de son mandat afin de garantir que la BCE n'outrepasse pas ses compétences fondées sur les traités. Le dialogue monétaire bénéficierait également d'une réduction du nombre de députés européens participant, pour donner aux participants la possibilité de s'engager véritablement avec le président de la BCE et de poser des questions complémentaires (comme c'est le cas au Japon). Le président ECON devrait également poser à chaque réunion un ensemble fixe de questions liées aux performances de la BCE.
  • Deuxièmement, le PE devrait pousser la BCE (en utilisant notamment la revue de stratégie en cours) à publier des procès-verbaux plus détaillés des réunions du Conseil des gouverneurs, qui incluraient les votes des membres (comme c'est le cas pour la à la discrétion de la BCE. Cela permettrait un contrôle plus efficace, créerait les bonnes incitations au niveau individuel pour les membres du conseil des gouverneurs et, en permettant une identification plus facile des avantages et des inconvénients de ses politiques, cela atténuerait également les inquiétudes soulevées dans certains pays de la zone euro quant à la proportionnalité des les actions de la BCE.
  • Enfin, au milieu des appels lancés à la BCE pour «verdir» sa politique monétaire, il est nécessaire de clarifier davantage le rôle et le classement des objectifs secondaires. Cependant, le classement des objectifs est une tâche politique, il devrait donc être de préférence décidé par des organes élus et non par des technocrates non élus. Les législateurs de l’UE devraient donc révéler leurs préférences. Cette clarification des objectifs de la BCE faciliterait à son tour le contrôle parlementaire.

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