Il est peu probable que les États-Unis imposent des droits de douane généraux sur les importations canadiennes au début de l’année prochaine, malgré le discours du président élu américain Donald Trump. Pourtant, la simple perspective de nouveaux tarifs suscite une anxiété considérable au Canada.
Même la notion de nouveaux tarifs douaniers américains jette une incertitude commerciale sur les entreprises canadiennes.
Une telle décision aurait des conséquences économiques désastreuses sur les économies des deux pays, compte tenu du rôle essentiel du Canada dans les chaînes d'approvisionnement américaines et de la stabilité économique globale.
Même sans droits de douane généraux, il y a lieu de s'inquiéter car des droits de douane sélectifs américains sur un ou plusieurs biens intermédiaires sont possibles – et perturberaient les économies des deux pays.
Les tarifs de rétorsion du gouvernement canadien, que le pays a imposés dans le passé et est sur le point de répéter, entraîneraient de nouveaux problèmes de chaîne d'approvisionnement et une inflation plus élevée pour les consommateurs canadiens.
La perspective de tarifs douaniers survient à un moment où le Canada a déjà du mal à concurrencer son voisin du sud en matière d'investissements. Cette année, les capitaux étrangers investis dans des titres américains ont dépassé la somme des capitaux étrangers dans les 12 économies suivantes réunies. Les politiques expansionnistes américaines et un nouveau régime tarifaire pourraient rendre les États-Unis encore plus attractifs pour les capitaux, ce qui rendrait difficile pour le Canada d'attirer les investissements étrangers.
L’incertitude liée à la politique commerciale pourrait contribuer à la faible valeur du huard et nuire davantage à la croissance économique.
Pour illustrer l’impact des droits de douane sur les deux pays, jetez un coup d’œil aux secteurs de l’énergie et de l’automobile – les industries canadiennes qui exportent le plus vers les États-Unis.
Énergie
La relation énergétique entre le Canada et les États-Unis va au-delà du secteur lui-même. Cela fait partie intégrante du fonctionnement des deux pays puisque chaque activité commerciale – du transport au chauffage en passant par l’électricité – nécessite de l’énergie.
Les exportations d'énergie représentent environ le quart des exportations totales du Canada. Le Canada exporte quotidiennement 4,5 millions de barils de pétrole brut vers les États-Unis. Cela représente environ 60 pour cent de ses importations totales de pétrole – une proportion qui a continué de grimper.
Les États-Unis sont la destination de 97 pour cent des exportations de pétrole brut du Canada, dont les deux tiers aboutissent dans le Midwest américain. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent du gaz naturel importé par les États-Unis provient du Canada.
Les tarifs de l’énergie entraîneraient une hausse des prix de l’essence, de l’électricité et du chauffage, affectant à la fois les entreprises et les consommateurs.
Les sociétés énergétiques canadiennes seraient également confrontées à une demande réduite en raison des coûts des tarifs, ce qui entraînerait une baisse des volumes d’exportation. Dans ce scénario, ces entreprises pourraient être contraintes d’accepter des prix plus bas pour rester compétitives.
L’agrandissement du pipeline Trans Mountain offre l’occasion d’augmenter les exportations de pétrole canadien vers les pays d’Asie. Mais cette option comporte ses propres mises en garde ; la construction du marché prendra des années et le pipeline connaît ses propres défis au niveau national. Les États-Unis demeureront le plus grand consommateur de produits énergétiques canadiens dans un avenir prévisible.
Fabrication automobile
Il existe peu d’industries aussi intégrées au Canada, aux États-Unis et au Mexique que l’industrie automobile.
Cette chaîne d'approvisionnement automobile représente 22 % des importations et des exportations dans le cadre de l'accord Canada-États-Unis-Mexique, entré en vigueur en 2020.
La chaîne d'approvisionnement fonctionne avec différentes pièces automobiles fabriquées dans différents pays, traversant la frontière sept à huit fois avant d'être terminées.
Le poste frontalier Détroit-Windsor a fait passer plus de 2,5 millions de camions en 2023, dont une part importante était liée à la fabrication automobile. Le marché américain représente 91 pour cent des exportations du secteur automobile canadien.
Un droit de douane, même sur certains matériaux ou pièces, bouleverserait cette chaîne d'approvisionnement. Si l’on envisage d’éventuelles représailles, les pièces automobiles seraient soumises à des droits de douane à chaque fois qu’elles traversent la frontière, ce qui ferait gonfler le coût de production.
Il y aurait également une augmentation des retards aux postes frontières en raison de la déclaration en douane et du paiement. Ces retards entraîneraient à leur tour des inefficacités et des coûts plus élevés pour la production et le stockage des stocks.
Les consommateurs verraient également les prix des voitures monter en flèche, ce qui nuirait à la compétitivité de l'industrie sur le marché mondial.
Contexte supplémentaire
Les États-Unis sont le plus grand partenaire commercial du Canada, la destination des trois quarts des exportations de marchandises du Canada et la source des deux tiers des importations du Canada.
En 2023, les exportations de marchandises du Canada vers les États-Unis ont totalisé 592,7 milliards de dollars, tandis que les importations ont atteint 484 milliards de dollars.
Le Canada est le principal exportateur vers les États-Unis de produits clés comme le pétrole brut, les pièces automobiles, les produits agricoles et l'aluminium. Le Canada est le plus grand partenaire commercial de 38 États américains.
Dans le cadre de l'ACEUM, des marchandises d'une valeur de centaines de millions de dollars traversent quotidiennement les frontières avec peu ou pas de douanes. Cette relation est profondément liée aux modèles de fabrication et de consommation des pays, tandis que des secteurs tels que l'énergie, la construction automobile, les mines, l'agriculture et les produits de consommation ont prospéré et sont devenus des leaders mondiaux.
Implications plus larges
L’impact le plus immédiat sur les entreprises et les consommateurs canadiens vient de l’incertitude liée à la politique commerciale.
Le dollar canadien est déjà tombé à son plus bas niveau depuis plusieurs années en raison de l'écart de taux d'intérêt et de taux de croissance entre le Canada et les États-Unis, ainsi que de la possibilité de droits de douane.
Comme le huard devrait demeurer bas jusqu’au début de 2025, les importations seraient plus chères et les consommateurs paieraient davantage pour les biens en provenance des États-Unis. À l’inverse, un huard moins cher profiterait aux exportateurs.
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Les tarifs douaniers entre le Canada et les États-Unis constituent un précédent. Sous la première administration du président Donald Trump, les tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium canadiens – ainsi que les tarifs réciproques du Canada – étaient en vigueur depuis un peu plus d'un an.
Dans un scénario tarifaire sélectif, les exportations canadiennes seraient touchées et certaines entreprises américaines pourraient éventuellement se tourner vers des fournisseurs nationaux.
Mais étant donné l’imbrication de l’industrie automobile et les défis liés à l’établissement d’une empreinte manufacturière, il n’est pas possible de démêler complètement la chaîne d’approvisionnement automobile des pays.
Ce sont les importateurs qui paient les droits de douane, qui seraient dans cette situation des producteurs ou des distributeurs américains. Ces coûts seraient répercutés sur les consommateurs canadiens et américains, augmentant ainsi l’inflation et réduisant l’offre.
Les plats à emporter
Les États-Unis sont de loin le partenaire commercial le plus important du Canada. Même la notion de nouveaux tarifs douaniers américains jette une incertitude commerciale sur les entreprises canadiennes. La possibilité d’imposer des droits de douane pourrait maintenir le dollar canadien à un niveau bas et provoquer une hausse de l’inflation à mesure que d’éventuelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement se profilent.