Stabilité monétaire et financière pendant l'épidémie de coronavirus – Blog du FMI

Par Tobias Adrian

Ce blog fait partie d'une série spéciale sur la réponse au coronavirus.

La propagation mondiale du coronavirus est une tragédie humaine qui se déroule à travers le monde. La quantification de l'impact économique est complexe, donnant lieu à une incertitude importante sur les perspectives économiques et les risques baissiers associés. Une montée si brusque de l'incertitude peut mettre en péril la croissance économique et la stabilité financière. Outre des politiques économiques et des mesures fiscales ciblées, les bonnes politiques de stabilité monétaire et financière seront essentielles pour aider à soutenir l'économie mondiale.

La coopération mondiale pour synchroniser la politique monétaire doit figurer en bonne place à l'ordre du jour.

Incertitude accrue et conditions financières plus strictes

Les mesures de l'incertitude économique telles que la volatilité des marchés boursiers ont fortement augmenté dans les pays du monde entier. Les marchés boursiers des principales économies, comme les États-Unis, la zone euro et le Japon, ont tous chuté brusquement et ont connu une forte augmentation de la volatilité implicite alors que les investisseurs nerveux tentaient de prendre en compte les derniers risques posés par le nouveau virus.

En raison de cette forte augmentation de l'incertitude, les écarts de crédit se sont largement élargis d'un marché à l'autre, les investisseurs se réorientant d'actifs relativement risqués vers des actifs plus sûrs. Les obligations à haut rendement et des marchés émergents sont particulièrement touchées par ces réaffectations. En conséquence, les spreads des obligations des marchés émergents et frontières libellés en dollars américains se sont fortement élargis.

Les conditions financières se sont considérablement resserrées ces dernières semaines, ce qui signifie que les entreprises sont confrontées à des coûts de financement plus élevés lorsqu'elles exploitent les marchés boursiers et obligataires. Un tel resserrement soudain et brutal des conditions financières a un effet négatif sur l'économie, car les entreprises reportent les décisions d'investissement et parce que les individus retardent la consommation car ils se sentent moins en sécurité financière.

Réponse de la politique monétaire

Le resserrement brutal des conditions financières et les anticipations de faible inflation signifient que la politique monétaire a un rôle à jouer dans la conjoncture actuelle. Les banques centrales peuvent agir rapidement pour faciliter le resserrement des conditions financières en injectant des liquidités et en réduisant les taux d'intérêt, évitant ainsi un éventuel resserrement du crédit. En fait, les marchés anticipent un assouplissement agressif de la part des banques centrales, comme en témoigne la forte baisse des rendements des obligations souveraines dans de nombreux pays du monde.

Les actions synchronisées entre les pays augmentent le pouvoir de la politique monétaire. Par conséquent, la coopération mondiale pour synchroniser la politique monétaire doit figurer en bonne place à l'ordre du jour. Une liquidité abondante à l'intérieur des pays et au-delà des frontières est la condition préalable à l'inversion réussie du resserrement rapide des conditions financières. Dans ces circonstances inhabituelles, si les pressions sur la liquidité menacent le fonctionnement du marché, les banques centrales pourraient devoir intervenir et fournir des liquidités d'urgence.

Si les conditions économiques et financières devaient se détériorer davantage, les décideurs pourraient revenir à la boîte à outils plus large qui a été élaborée pendant la crise financière. Par exemple, la Réserve fédérale a lancé en 2009 la facilité de prêt de titres adossés à des actifs à terme, qui a fourni un financement ciblé. La Banque d'Angleterre et le Trésor britannique ont introduit le système de financement des prêts, dans le cadre duquel une subvention de financement a été accordée pour encourager l'expansion des prêts aux ménages, aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises non financières. D'autres autorités ont également déployé des variantes de ces régimes de prêts qui visent à réduire les coûts d'emprunt dans certains secteurs.

Politiques de stabilité financière

La forte baisse des taux d'intérêt, combinée à une inquiétude croissante à l'égard des perspectives économiques, ont également suscité des inquiétudes des investisseurs quant à la santé des banques. Les cours des actions des banques ont fortement baissé et les cours des obligations des banques ont également subi une certaine pression, reflétant probablement la crainte de pertes potentielles.

La bonne nouvelle est que les banques sont généralement plus résistantes qu'avant la crise financière de 2008, car elles disposent de plus de coussins de capital et de liquidité. Cela signifie que les risques pour la stabilité financière découlant du secteur bancaire sont beaucoup plus faibles, malgré la baisse des cours des actions.

Les autorités de surveillance devraient toutefois suivre de très près l'évolution de la situation dans les banques. Compte tenu du temporaire nature de l’épidémie virale, les banques pourraient envisager temporaire restructuration des conditions de prêt pour les emprunteurs les plus touchés. Les autorités de contrôle devraient travailler en étroite collaboration avec les banques pour garantir que ces actions sont à la fois transparentes et temporaires. L’objectif doit être de préserver la solidité financière et la transparence globale des banques dans le secteur financier.

Les autorités devraient également être attentives aux éventuelles menaces de stabilité financière provenant de l'extérieur du système bancaire. Cela nécessite une concentration accrue sur les gestionnaires d'actifs et les fonds négociés en bourse, où les investisseurs pourraient liquider soudainement des investissements risqués.

Les fortes fluctuations des prix des actifs peuvent rapidement mettre les marchés et les institutions sous pression. Bien que le fonctionnement du marché ait pu résister jusqu'à présent à d'importantes fluctuations des prix des actifs, des données anecdotiques suggèrent que la liquidité s'est resserrée sur de nombreux marchés. Et il existe des tensions sur les marchés de financement en dollars américains, où les banques et les entreprises non américaines empruntent en dollars américains.

Dans l'ensemble, les décideurs doivent agir de manière décisive et coopérer au niveau mondial pour préserver la stabilité monétaire et financière en cette période de défis extraordinaires. Le mantra «espérer le meilleur, se préparer au pire» est depuis longtemps déployé avec succès. Le FMI agira selon les besoins pour aider ses membres à faire face à cette crise extraordinaire mais, espérons-le, temporaire.

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