C’est au tour de Biden d’affronter le test ukrainien de Poutine

Le président Barack Obama a averti Vladimir Poutine en mars 2014 de ne pas déplacer de troupes russes contre l’Ukraine et lui a dit que son pays serait confronté à des contre-mesures économiques douloureuses s’il ignorait l’avertissement. M. Poutine a ordonné à ses forces spéciales de s’emparer de la péninsule de Crimée deux semaines plus tard et l’a rapidement revendiquée comme territoire russe.

C’est maintenant au tour du président Biden d’être mis à l’épreuve par le dirigeant russe, et les enjeux sont encore plus importants. Les troupes russes sont massées à la frontière ukrainienne, et elles semblent prêtes à envahir dès que l’ordre sera donné.

M. Poutine a joué cartes sur table. Pour éliminer la menace de conflit armé, insiste-t-il, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord doit s’engager à ne jamais admettre l’Ukraine en tant que membre à part entière, et l’OTAN doit réduire les moyens militaires qu’elle a déployés en Pologne et dans les pays baltes et dans d’autres pays voisins qui ne pas de frontière avec la Russie.

M. Poutine n’est pas idiot. Il sait que les États-Unis et l’OTAN ne peuvent pas accepter ses demandes. Cela laisse deux possibilités : soit il utilisera le refus de l’Occident comme prétexte d’invasion, soit il utilisera la menace d’invasion comme levier pour des concessions diplomatiques qu’il n’aurait pu obtenir autrement.

Il y a de fortes chances que le leader russe ne veuille pas vraiment envahir. Ses troupes battraient probablement les forces armées ukrainiennes en quelques semaines, voire quelques jours. Mais ce ne serait pas la fin. Contrôler l’Ukraine après l’invasion nécessiterait le déploiement continu des troupes russes, et les Ukrainiens indignés déclencheraient une guerre de guérilla. Les soldats rentrant en Russie dans des sacs mortuaires éroderaient la popularité de M. Poutine. L’opinion se durcirait également contre la Russie dans toute l’Europe, renforçant le soutien à des sanctions économiques sévères et des contributions plus élevées aux dépenses militaires de l’OTAN.

Néanmoins, si M. Poutine se met dans ses retranchements, il peut décider d’envahir plutôt que de reculer sans rien montrer pour ses menaces. Pour minimiser les chances que cela se produise, M. Biden doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour rendre les coûts de l’invasion prohibitifs, et il doit indiquer clairement à la Russie et à nos alliés que toutes les négociations se dérouleront dans des limites strictes.

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Pour augmenter les coûts que la Russie paierait pour une invasion, l’administration Biden devrait annoncer, dès que possible, un solide ensemble de contre-mesures. Sur le plan économique, les mesures incluraient la suspension du gazoduc Nord Stream 2 de la Russie à l’Allemagne, la rupture des liens de la Russie avec le système bancaire international et l’imposition de sanctions aux oligarques proches de M. Poutine par l’intermédiaire desquels il aurait canalisé ses propres avoirs.

Sur le front militaire, les États-Unis devraient augmenter et accélérer la livraison d’armes défensives à l’Ukraine, notamment des hélicoptères, des missiles antichars et antiaériens mobiles et des missiles efficaces contre les navires que la Russie utiliserait pour déplacer des troupes et du matériel vers la côte ukrainienne. Ces mesures doivent être prises immédiatement ; ils auraient peu d’effet une fois qu’une invasion est en cours. En outre, l’administration Biden devrait indiquer clairement qu’elle est prête à armer et à équiper une résistance ukrainienne à l’occupation russe. Le président a exclu l’utilisation de troupes américaines et l’OTAN a également renoncé à une intervention militaire directe.

Comme mon collègue de Brookings Constanze Stelzenmuller l’a observé, l’Allemagne est la cheville ouvrière des efforts visant à dissuader une invasion russe par le biais de sanctions économiques. Chaque étape importante – sanctions contre les oligarques et les entités financières russes, rupture des liens de la Russie avec le système financier mondial, et surtout suspension ou annulation de Nord Stream 2 – serait « financièrement et politiquement coûteuse » pour le nouveau gouvernement allemand, dit-elle. Mais si l’administration Biden ne parvient pas à persuader le chancelier Olaf Scholz d’annoncer le soutien de l’Allemagne à ces mesures avant une invasion, les efforts de l’Occident pour la dissuader perdront de leur crédibilité.

Si la dissuasion réussit, l’action se déplacera vers le front diplomatique. Les paramètres appropriés pour les discussions avec la Russie sont clairs et l’administration Biden doit s’assurer que M. Poutine les comprend. L’OTAN ne peut offrir une garantie formelle que l’Ukraine ne sera jamais admise ; il ne supprimera pas non plus les bases et l’équipement des membres actuels.

Les États-Unis ne reconnaîtront pas les frontières modifiées par la force, et l’Union soviétique a accepté de ne pas le faire dans l’Acte final d’Helsinki. Bien que la Russie et les États-Unis puissent mener des discussions bilatérales, l’Ukraine doit être à la table, et non à la table, chaque fois que des questions concernant sa sécurité et sa gouvernance sont discutées ; et aucun pays extérieur ou consortium de pays n’imposera ses décisions au gouvernement ukrainien dûment élu.

En février 1945, un accord à Yalta entre les « Trois Grands » a entraîné l’assujettissement de la Pologne à l’Union soviétique. Après la Crimée, M. Poutine a cherché un « nouveau Yalta » pour définir une sphère d’influence du XXIe siècle pour son pays. L’administration Biden doit s’assurer qu’il n’en obtienne pas maintenant.

Rapport éditorial du journal : Après la débâcle afghane, Xi et Poutine sont en marche. Images : AFP/Getty Images/Shutterstock Composite : Mark Kelly

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