Développement économique et reprise post-COVID

Comprenant bon nombre des pays les plus pauvres d’Afrique, y compris ceux du Sahel, la zone franc CFA est confrontée à des défis particulièrement redoutables en matière de développement et de croissance économiques dans le contexte de la pandémie de COVID-19 en cours.

Englobant 14 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre francophones, la zone franc CFA est confrontée au changement climatique, aux pièges de la pauvreté, aux pressions démographiques et aux obstacles de la gestion des ressources naturelles. En outre, le trio de coûts énergétiques élevés, de contraintes de financement et de transports coûteux crée des obstacles à la compétitivité. De plus, malgré des décennies de flux d’aide internationale, la région a eu du mal à prendre le dessus dans la réduction de la pauvreté. La pandémie de COVID-19 a encore amplifié les défis auxquels sont confrontés les pays de la zone franc CFA et a conduit simultanément à des questions sur les politiques fiscales et monétaires les plus propices à la reprise et à la croissance alors que l’économie mondiale s’adapte au marché post-COVID-19 réalités.

Depuis les années 1940, le franc CFA est arrimé aux monnaies européennes, d’abord au franc français et, depuis 1999, à l’euro. Jusqu’à récemment, les pays CFA déposaient 50 pour cent de leurs réserves au Trésor français en échange d’une garantie de convertibilité. Alors que cet arrangement a généralement entraîné une inflation plus faible que dans d’autres pays d’Afrique et un certain degré de restriction budgétaire, il a considérablement limité les options de politique macroéconomique disponibles pour ses pays membres. Le compromis pour une inflation plus faible a été une croissance par habitant plus lente (Figure 1) et une réduction de la pauvreté.

Graphique 1. Croissance annuelle moyenne par habitant par pays sélectionné, 2000-2019 (%)

Cependant, le régime de change actuel présente plusieurs problèmes macroéconomiques qui entravent la capacité de ces pays à traverser la pandémie de COVID-19. Premièrement, l’ancrage à une monnaie forte diminue la compétitivité du secteur privé en subventionnant efficacement les importations et en pénalisant les exportations. Tel que mesuré par un simple modèle CGE, en 2020, le franc CFA dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA, ou UEMOA en français) était surévalué de 20 %, et dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (connue sous son acronyme français, CEMAC) c’était 30 pour cent surévalué. Deuxièmement, la rigidité du taux de change force des ajustements aux chocs commerciaux du côté budgétaire via des coupes dans l’investissement public ou une accumulation supplémentaire de dette. Troisièmement, le système actuel aggrave les inégalités entre les élites urbaines et les ruraux pauvres en limitant les incitations à l’agriculture commerciale. Quatrièmement, puisque la politique monétaire est fixe, les pays CFA sont confrontés à des contraintes de crédit et sont incapables d’utiliser la politique des taux d’intérêt pour stimuler le développement des petites et moyennes entreprises. Enfin, l’union monétaire n’a pas réussi à accélérer la croissance pour les membres les plus pauvres, comme en témoigne l’absence de convergence économique au fil du temps (graphique 2).

Graphique 2. PIB par habitant de l'UEMOA, 1950-2018 (dollars américains)

Alors que les pays membres de la CFA planifient un avenir post-COVID-19, passer à l’étape suivante d’une réforme monétaire significative doit faire partie du paquet. Plus précisément, alors que la réforme Macron-Ouattara de 2019 a mis fin à l’obligation de dépôt de réserve et a retiré les représentants français de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (connue sous son acronyme français, BCEAO), elle n’a pas procédé à une refonte du cadre des taux de change. La modernisation du système doit inclure une discussion sérieuse sur des cadres de taux de change alternatifs qui permettraient une plus grande flexibilité monétaire tout en améliorant la compétitivité, en ouvrant la porte à une croissance tirée par les exportations et en réalignant les incitations pour les producteurs agricoles.

Pour en savoir plus sur cette question, voir mon livre « Zone franc CFA : développement économique et reprise post-Covid », dans lequel je présente une feuille de route politique avec un certain nombre d’étapes. Premièrement, le régime de taux de change devrait évoluer de l’ancrage à l’euro, à un ancrage du panier (tripartite) à l’euro-dollar-renminbi qui reflète l’évolution des modèles commerciaux de l’Afrique de l’Ouest avec le monde. Pour la CEMAC, qui est une région riche en pétrole, je propose un arrimage à un panier comprenant l’euro, le dollar et le prix du pétrole. Cette réforme équilibrera stabilité et flexibilité, rendra la monnaie plus axée sur le marché et soutiendra les exportateurs et entrepreneurs africains. Dans la zone CEMAC, cela aidera les pays à s’adapter à la volatilité des prix du pétrole, tandis que dans la zone UEMOA, les pays peuvent même embrasser l’intégration avec des pays anglophones spécifiques comme le Ghana et créer un espace économique plus fort. Deuxièmement, il est important de moderniser la garantie de convertibilité française pour le franc CFA, qui n’est pas claire, et de négocier une ligne de swap claire avec la Banque centrale européenne pour fournir un coussin financier pendant la période de transition et les ralentissements.

Enfin, le but ultime des réformes est d’avoir une plus grande souveraineté africaine et d’élargir les options de gestion budgétaire et monétaire dans un monde post-pandémique. Une zone CFA plus riche et plus prospère sera bénéfique non seulement pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre mais aussi pour la France et le monde en général.

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