Insécurité alimentaire et misère économique dans les pays à faible revenu

La détérioration du paysage économique mondial a exacerbé les souffrances des pays les plus pauvres du monde. Toujours en train de se remettre de la forte récession causée par la pandémie, les pays à faible revenu (PFR) sont durement touchés par la flambée de l’inflation chez eux et la hausse des taux d’intérêt mondiaux. Les perturbations des marchés mondiaux des matières premières dues à la pandémie, amplifiées par la guerre en Ukraine, ont entraîné des pénuries de nourriture et de carburant et une flambée des prix des biens de consommation de base. Cela érode les revenus réels, exacerbe l’insécurité alimentaire et aggrave l’extrême pauvreté dans les PFR. Flambée des prix alimentaires mondiauxqui ont atteint leur niveaux les plus élevés jamais enregistrés cette annéecontribuent à la hausse rapide de l’inflation des PFR (graphique 1).

Graphique 1. Inflation dans les pays à faible revenu

Figure 1. Graphique de l'inflation dans les pays à faible revenu

Sources : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ; Haver Analytics ; Banque mondiale.

Remarque : La ligne « médiane » indique le pourcentage médian d’augmentation des prix à la consommation par rapport à 12 mois plus tôt pour un échantillon de huit pays à faible revenu. Dernière observation avril 2022. Les prix de la période de base de l’Indice FAO des prix des produits alimentaires sont les moyennes pour les années 2014-2016.

L’insécurité alimentaire exacerbe la misère

La consommation alimentaire représente 45 % des dépenses totales des ménages dans les économies à faible revenu, et le régime alimentaire est fortement basé sur les aliments de base, dont le blé. Tous les PFR sont des pays à déficit vivrier qui dépendent des aliments importés. Les importations de blé provenant uniquement de la Russie et de l’Ukraine représentent environ 14 % de l’apport calorique total dans un PFR médian, contre seulement 3 % dans le marché médian émergent et l’économie en développement. Les perturbations des importations de blé en provenance de Russie et d’Ukraine et la flambée des prix alimentaires mondiaux ralentissent la croissance des PFR et aggravent l’extrême pauvreté, en particulier dans les pays où des segments importants de la population connaissaient déjà une insécurité alimentaire aiguë (figure 2).

Figure 2. Importations de blé et insécurité alimentaire dans les PFR

Figure 2. Graphique des importations de blé et de l'insécurité alimentaire dans les PFR

Sources : Réseau mondial contre les crises alimentaires ; Comtrade (base de données); Banque mondiale.

Remarque : RDC = République démocratique du Congo. Les parts des importations de blé sont des moyennes pour 2019-2020 ; les données sur les importations de blé pour le Soudan ne sont disponibles que pour 2018. « Personnes en crise alimentaire » indique le pourcentage estimé de la population se trouvant en phase 3 ou au-dessus de la classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (IPC) pour 2022 ; les estimations ne sont pas disponibles pour Madagascar et le Togo.

Une croissance modérée et des finances publiques tendues ont entravé la capacité des gouvernements à protéger les populations vulnérables de la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant. Même dans les PFR qui ne dépendent pas des importations de blé de Russie et d’Ukraine, des millions de personnes sont avoir du mal à se procurer suffisamment de nourriture pour éviter la faim. L’aggravation de la faim et de la malnutrition aura inévitablement des conséquences néfastes à long terme, aggravant les effets pernicieux de plus de deux ans de pandémie sur le capital humain.

Les perturbations liées à la guerre et la forte décélération de la croissance mondiale s’amplifient autres défis en cours auxquels sont confrontés les PFR, notamment la pauvreté généralisée, la détérioration de la sécurité et l’incertitude politique. En conséquence, les prévisions de croissance pour 2022 présentées dans le dernier rapport de la Banque mondiale Perspectives économiques mondiales rapport ont été déclassés dans plus de 80 % des PFR (Figure 3). La croissance du revenu par habitant dans les PFR devrait être faible de 1,3 % cette année, bien en deçà de celle des pays à revenu intermédiaire (2,3 %) et des pays à revenu élevé (2,4 %).

Figure 3. Révisions des prévisions jusqu’en 2022 croissance

Figure 3. Graphique des révisions des prévisions à la croissance de 2022

Sources : Banque mondiale.

Remarque : EMDE = pays émergents et pays en développement ; PFR = pays à faible revenu. L’échantillon comprend 145 EMDE et 22 LIC. Les révisions des prévisions montrent la part des pays dont les prévisions de croissance pour 2022 ont été révisées à la baisse/inchangées/rehaussées entre les éditions de janvier 2022 et de juin 2022 des Perspectives économiques mondiales. Les données pour 2022 sont des prévisions.

Dans les PFR exportateurs de produits de base, les prix élevés des produits de base n’atténueront que partiellement les effets délétères de la hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant. Dans ces pays, la flambée du coût de la vie tempère les gains résultant de l’augmentation des recettes d’exportation. Il est également peu probable que les prix élevés du pétrole stimulent de manière significative la croissance des exportateurs d’énergie des PFR, car le vieillissement des gisements de pétrole ainsi que les retards de maintenance induits par la pandémie et la faiblesse des investissements dans l’extraction limitent les perspectives d’augmentation de la production de pétrole.

La production agricole dans la plupart des PFR devrait également rester faible, ce qui resserrera encore l’offre alimentaire. Plusieurs PFR ont dû faire face à une aggravation des conditions de sécheresse et à des retards de semis dus à des précipitations irrégulières et insuffisantes. Dans certains PFR, la hausse des prix des céréales devrait limiter la capacité des agriculteurs, en particulier ceux qui dépendent de l’agriculture de subsistance, à acheter suffisamment de semences pour la nouvelle saison des semis et à nourrir le bétail. La guerre en Ukraine a également perturbé l’approvisionnement mondial en engrais. jeUn accès insuffisant aux intrants agricoles pourrait conduire à une situation d’agriculture de subsistance généralisée et à faible productivité, rendant les systèmes alimentaires des PFR plus vulnérables aux chocs.

Plus de souffrance à venir

Ces perspectives qui donnent à réfléchir pourraient être encore plus faibles si les pénuries d’approvisionnement, les conflits et les divisions persistent. Étant donné que presque tous les PFR dépendent des importations de blé, une perturbation plus durable du commerce mondial des céréales aggraverait l’accessibilité et la disponibilité des aliments de base. De nouvelles hausses des prix des intrants agricoles, tels que les semences, les carburants et les engrais, pourraient entraîner une aggravation des pressions sur les prix des denrées alimentaires. Ces pressions seraient particulièrement douloureuses dans les PFR où le changement climatique a déjà réduit la productivité de l’agriculture et dans ceux où l’incidence de l’extrême pauvreté est élevée. Dans cet environnement de forte inflation, une détérioration plus prononcée du niveau de vie aggraverait les troubles sociaux, en particulier dans les pays souffrant de niveaux élevés d’insécurité et de violence. À mesure que les conditions financières se resserrent, une plus grande aversion pour le risque entraînerait une augmentation des coûts d’emprunt dans les PFR. Les niveaux élevés de la dette publique et l’augmentation des emprunts non concessionnels pourraient encore freiner les progrès en matière d’allégement de la dette. Environ un quart de toute la dette extérieure des PFR a des taux d’intérêt variables, contre seulement 11 % en 2010.

Réponses rapides et coordonnées nécessaires

Déjà affaiblis par les chocs défavorables des deux dernières années, les PFR font face à des vents contraires. La marge de manœuvre des politiques budgétaires et monétaires nationales est, dans la plupart des cas, limitée. Un effort mondial concerté est nécessaire :

  • UN réponse mondiale rapide améliorer l’accès à des aliments sûrs et nutritifs et renforcer la sécurité alimentaire est essentiel pour la santé et le développement humain dans les PFR. La communauté internationale doit augmenter considérablement le financement des systèmes alimentaires des PFR, y compris des mesures ciblant l’agriculture, la nutrition, la protection sociale, l’eau et l’irrigation.
  • Les PFR sont également confrontés à d’énormes défis liés à la dette. Même avant l’invasion de l’Ukraine, environ 60 % des PFR étaient surendettés ou proches du surendettement. Pour atténuer les risques que le fardeau de la dette conduise à des crises financières, efforts d’allègement de la dette coordonnés à l’échelle mondiale sont essentiels.
  • La communauté mondiale doit également aider à favoriser les taux de vaccination des PFR, qui continuent d’être loin derrière les autres EMDE en raison d’une combinaison d’approvisionnement insuffisant, de défis logistiques et d’hésitation à la vaccination. Une action collective soutenue est nécessaire pour renforcer la préparation à la pandémie et étendre rapidement la vaccination campagnes dans les PFR.
  • Enfin, la fréquence et la gravité croissantes des catastrophes liées au climat mettent en évidence les coûts croissants du changement climatique, en particulier parmi les pays les plus pauvres. Les projets d’investissements verts doivent être accompagnés de politiques visant à réduire les coûts économiques, sanitaires et sociaux du changement climatique, dont beaucoup sont supportés de manière disproportionnée par les populations vulnérables des économies pauvres et à rendre ces pays plus résistants aux chocs climatiques.

Dans les pays les plus pauvres du monde, un retour rapide à la croissance économique et à la prospérité est l’antidote le plus sûr à tous ces problèmes, y compris le changement climatique.

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