Le principal risque sous-jacent à l’économie canadienne est passé d’une inflation élevée à un chômage élevé et à un ralentissement de la croissance.
Bien que les restrictions à l’immigration puissent temporairement réduire le chômage et les coûts du logement, elles pourraient également nuire à la croissance du Canada.
Les récentes restrictions imposées par le gouvernement à l'immigration reflètent sa volonté de répondre à cette dynamique changeante. Mais si ces restrictions peuvent temporairement réduire le chômage et les coûts du logement, elles pourraient aussi miner le potentiel de croissance du Canada en freinant la croissance de la main-d'œuvre.
L'inflation est de 2,5 % et elle est en voie d'atteindre l'objectif de 2 % fixé par la Banque du Canada l'an prochain. La croissance économique a également ralenti. Le taux de chômage a grimpé à 6,6 %, la croissance démographique due à l'immigration dépassant la croissance de l'emploi.
La Banque du Canada a récemment annoncé trois baisses consécutives de ses taux de 25 points de base et a promis d’autres réductions à venir, même si les taux restent restrictifs.
Le gouvernement fédéral a imposé ces derniers mois des restrictions à l’immigration pour alléger la pression sur les prix de l’immobilier et limiter le chômage.
Le changement de politique d’immigration s’inscrit dans le cadre du rééquilibrage de l’économie canadienne, qui a été lente mais qui est sur le point de se redresser l’année prochaine grâce aux baisses de taux.
Une politique d’immigration plus restrictive
Le Canada a été confronté à une grave pénurie de main-d’œuvre pendant la pandémie dans de nombreux secteurs, notamment le camionnage, la construction, l’agriculture et la restauration.
En réponse, le gouvernement fédéral a assoupli sa politique d’immigration, augmentant l’objectif d’arrivée de nouveaux résidents permanents à 450 000 à 500 000 par an.
Le gouvernement a également élargi les programmes de travailleurs temporaires, créé des filières supplémentaires pour certaines industries, autorisé les visiteurs à demander un permis de travail une fois dans le pays et autorisé les étudiants internationaux à travailler plus de 20 heures par semaine.
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Ces mesures ont attiré un afflux de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants internationaux.
L'année dernière, le nombre de résidents temporaires au Canada a grimpé à 2,5 millions, soit 6,2 % de la population.
Le nombre de résidents temporaires titulaires d'un permis de travail dépasse 1,3 million. Le Canada a connu le taux de croissance démographique le plus élevé depuis 1957, presque entièrement attribuable à l'immigration.
L’essentiel de la croissance de la main-d’œuvre ne provient pas des nouveaux résidents permanents, mais des résidents temporaires, en particulier des travailleurs temporaires, une catégorie qui n’était auparavant pas plafonnée et qui recevait relativement peu d’attention.
Mais avec la hausse du chômage et un marché du travail faible, le gouvernement fédéral a réduit ces programmes.
Le nombre de résidents temporaires est désormais plafonné à 5 % de la population. Le nombre d'étudiants internationaux cette année est plafonné aux deux tiers de celui de l'année dernière, mais le nombre d'étudiants internationaux inscrits a encore diminué, étant estimé à 45 % de moins cet automne par rapport à l'année dernière.
La politique temporaire qui permettait aux étudiants de travailler plus de 20 heures par semaine a également pris fin cette année.
Les employeurs des régions où le chômage est élevé (6 % ou plus) seront confrontés à des restrictions concernant l’embauche de travailleurs étrangers temporaires à bas salaires, à l’exception des secteurs de l’agriculture, de la construction et des soins de santé. De plus, les personnes titulaires d’un visa de visiteur ne pourront plus demander de permis de travail pendant leur séjour dans le pays.
Croissance menacée
L'immigration a été un moteur clé de la croissance économique du Canada, aidant le pays à éviter la récession en stimulant les dépenses de consommation globales à un moment où les dépenses par habitant ont chuté, les ménages touchés par des paiements d'intérêts hypothécaires élevés resserrant leurs cordons de la bourse.
Les restrictions à l’immigration pourraient nuire à la croissance l’année prochaine et contribuer à un marché du travail tendu lorsque les embauches reprendront.
Dans les villes universitaires où les économies locales dépendent fortement des étudiants internationaux, les nouvelles restrictions pourraient freiner la croissance dans des secteurs comme le logement, le commerce de détail et les services.
Certains collèges et universités qui dépendent des étudiants internationaux comme principale source de revenus pourraient être confrontés à des difficultés financières alors qu’ils s’adaptent à une baisse des inscriptions.
Les restrictions réduiront le nombre de nouveaux consommateurs et de nouveaux travailleurs dans l’économie, ce qui pourrait ralentir la croissance du PIB. Alors que le Canada entre dans une phase de reprise, il faudra que les consommateurs déjà présents au pays augmentent leurs dépenses pour compenser le ralentissement de la croissance alimentée par l’immigration.
Avec le vieillissement de la population canadienne, les immigrants jouent un rôle essentiel dans le maintien d’une main-d’œuvre robuste.
La majorité des immigrants sont jeunes et en âge de travailler. Au cours de la dernière décennie, et surtout depuis 2021, l’immigration a joué un rôle de plus en plus important dans la croissance de la population active.
Les restrictions pourraient réduire le potentiel de croissance à long terme du pays.
Marché du travail
Le taux de chômage est en constante augmentation depuis le début de l'année dernière, les taux d'intérêt restrictifs décourageant les employeurs d'embaucher. La croissance de la main-d'œuvre due à l'immigration dépasse la demande de main-d'œuvre.
Le marché du travail est particulièrement difficile pour les nouveaux arrivants, notamment les jeunes et les nouveaux arrivants, qui sont confrontés à des taux de chômage nettement supérieurs à la moyenne nationale.
Le taux de chômage parmi les étudiants de retour au pays a atteint son niveau le plus élevé depuis plus d’une décennie, hors 2020. Le taux de chômage des nouveaux immigrants a augmenté plus que celui de la population générale.
En limitant la croissance de la main-d’œuvre, les restrictions à l’immigration pourraient temporairement resserrer le marché du travail et limiter le taux de chômage. Lorsque l’embauche reprendra, les entreprises devront embaucher au Canada plutôt que de se tourner vers des travailleurs étrangers.
Mais à long terme, limiter l’immigration peut entraîner de nouvelles pénuries de main-d’œuvre, en particulier dans des secteurs comme la santé et le camionnage, qui ont toujours besoin de travailleurs.
Si un marché du travail plus tendu peut favoriser l’innovation et les gains de productivité, il risque également de faire grimper les salaires et, en fin de compte, les prix à la consommation.
Logement
L'impact du durcissement de la politique d'immigration commence à se faire sentir sur le marché immobilier, notamment sur le marché locatif. Les loyers n'ont augmenté que de 3,3 % en août, soit la plus faible augmentation d'une année sur l'autre depuis près de trois ans.
Cela s’est produit en partie à cause d’une augmentation de l’offre provenant de nouveaux condos arrivant sur le marché et en partie à cause d’une demande plus faible en raison d’un nombre moindre d’immigrants.
Mais cet effet est temporaire. Après tout, la pénurie de logements au Canada est un problème d'offre, qui résulte de plusieurs années de sous-construction structurelle.
Restreindre l’immigration peut ralentir la demande de logements à court terme, mais à long terme, les nouveaux logements ne sont pas construits assez rapidement pour répondre à la demande, car les immigrants, les milléniaux et la génération Z cherchent à acheter.
En outre, le secteur de la construction dépend lui-même largement de la main d’œuvre immigrée. La restriction de l’immigration pourrait aggraver la pénurie de talents, ce qui entraînerait des retards dans la construction et une hausse des coûts de main d’œuvre, et, en fin de compte, des coûts de logement plus élevés.
Pour résoudre ce problème d’offre, il serait plus efficace de donner la priorité à l’augmentation de l’offre de logements plutôt que de tenter de freiner la demande.
Les plats à emporter
L’évolution des politiques d’immigration du Canada met en évidence l’équilibre délicat entre la résolution des préoccupations économiques à court terme et la préservation de la croissance à long terme.
Bien que les changements récents visent à répondre à des préoccupations immédiates telles que la pénurie de logements et la hausse du chômage, ils peuvent également limiter la croissance de la population active et la demande des consommateurs, ce qui ne fait que nuire à la croissance future.
Une stratégie à long terme plus durable pourrait se concentrer sur l’investissement dans l’innovation, l’automatisation et l’amélioration de la productivité pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre, même si l’immigration reste un moteur important de la croissance économique.
L’investissement en capital, le perfectionnement de la main-d’œuvre et l’investissement dans la productivité seront essentiels au succès à long terme de l’économie canadienne.