Comment la politique monétaire américaine affecte-t-elle les économies de marché émergentes? -Liberty Street Economics

Comment la politique monétaire américaine affecte-t-elle les économies de marché émergentes?

La question de savoir comment la politique monétaire américaine affecte les économies étrangères a suscité un regain d’intérêt ces dernières années. La plupart des données empiriques indiquent des effets considérables, en particulier sur les économies de marché émergentes (EME). Un thème clé dans la littérature est que ces retombées opèrent en grande partie par les canaux financiers – c’est-à-dire que les effets d’un resserrement de la politique américaine se manifestent à l’étranger via la baisse des prix internationaux des actifs risqués, le resserrement des conditions financières et les sorties de capitaux. Il a été démontré que ce soi-disant cycle financier mondial affecte plus fortement les EME que les économies avancées. C’est parce que les taux directeurs américains plus élevés ont un impact disproportionnellement plus important sur les taux dans les EME. Dans nos recherches récentes, nous développons un modèle avec des liens financiers transfrontaliers qui fournit les bases théoriques de ces résultats empiriques. Dans ce Économie de Liberty Street post, nous utilisons le modèle pour illustrer les retombées d’un resserrement de la politique monétaire américaine sur les spreads de crédit et sur la prime de parité de taux d’intérêt non couverte (UIP) dans les EME ayant une dette libellée en dollars.



Effets réels de la politique monétaire américaine sur les EME

Nous commençons par estimer les effets de la politique monétaire américaine sur les EME, en utilisant un modèle de modèle vectoriel autorégressif structurel (SVAR) incluant le PIB des EME et des variables américaines telles que le PIB, l’inflation, le chômage, l’utilisation des capacités, la consommation, l’investissement et le taux des fonds fédéraux pour la période 1978: T1-2008: T4. L’hypothèse clé d’identification dans le modèle SVAR est que la seule variable que le choc de politique monétaire américaine affecte simultanément est le taux des fonds fédéraux.

Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous. La ligne rouge dans chaque panneau indique les estimations ponctuelles des fonctions de réponse impulsionnelle, tandis que les lignes pointillées grises marquent les bandes de probabilité de 95% correspondantes. La ligne bleue montre les prévisions de notre modèle, où nous calibrons la grande économie aux États-Unis, et prenons la petite économie pour représenter un bloc de pays émergents, tels que les pays émergents asiatiques ou latino-américains. En commençant par l’économie américaine, le modèle saisit remarquablement bien la réponse dynamique de la production américaine à un choc de politique monétaire américaine. Une innovation en matière de politique monétaire qui augmente le taux des fonds fédéraux américains de 100 points de base fait chuter la production américaine d’environ 0,50% au creux, très proche de ceux qu’implique notre modèle.


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Nous passons ensuite aux retombées sur les marchés émergents. En réponse au même choc, la production des EME chute d’environ 0,45% au creux, d’une ampleur globalement comparable à la baisse du PIB américain, et reste en deçà de sa trajectoire de référence bien après la disparition de l’effet du choc sur les taux d’intérêt. Notre modèle capture assez bien à la fois l’ampleur et la persistance de la réponse de la sortie EME, bien que la réponse de sortie EME implicite du modèle soit un peu moins lente que celle impliquée par SVAR.

Démêler les canaux de retombées

Après avoir montré que les prévisions du modèle sur les retombées d’un choc de politique monétaire américaine sur les EME sont plausibles, nous l’utilisons ensuite pour démêler les canaux par lesquels ces chocs se transmettent aux EME. Notre modèle prédit deux canaux de transmission: le canal commercial et le canal financier. Le graphique ci-dessous montre combien le PIB EME serait affecté par chaque canal.


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Le canal commercial fonctionne grâce à une baisse des exportations des EME en raison de la baisse de la demande aux États-Unis. Cet effet est partiellement compensé par le fait que les exportations des EME deviennent moins chères avec l’appréciation du dollar. Dans l’ensemble, la production des EME diminue d’environ 0,10 pour cent par rapport au scénario de référence en raison du canal commercial.

Le canal financier fonctionne grâce à des dépenses d’investissement plus faibles en raison à la fois de la hausse des écarts de crédit et des primes de risque UIP plus élevées (indiquées respectivement dans les panneaux inférieur gauche et inférieur droit du graphique). Il convient de noter que les primes de risque UIP sont définies comme la différence entre le rendement requis par les investisseurs mondiaux pour les prêts aux EME (ajusté des variations attendues du taux de change) et le rendement des actifs sûrs américains. Pour mettre en évidence le rôle d’amplification joué par les écarts par rapport à l’UIP, nous avons d’abord fermé ce canal (en supposant que l’UIP tient à tout moment et qu’il n’y a pas de dette en dollars dans les bilans EME), et montrons les effets prévus par les lignes d’or dans les quatre panneaux du graphique. La baisse des prix des actifs des EME à la suite de la hausse des taux aux États-Unis contribue à entraîner des pertes dans les bilans des emprunteurs des EME. Des bilans plus faibles des EME entraînent alors des écarts de crédit plus élevés sur le marché intérieur, ce qui rend le crédit plus cher pour les emprunteurs des EME et déclenche une baisse des investissements et, en fin de compte, ralentit l’activité économique. Il s’agit de l’effet d’accélérateur financier standard généralement présent dans les modèles présentant des frictions sur le marché du crédit, entraînant une baisse supplémentaire de la production des EME de 0,15% en dessous du niveau de référence.

Notre modèle ajoute un mécanisme d’amplification supplémentaire basé sur l’interaction entre les bilans et les conditions de financement extérieur. Désormais, la dépréciation du taux de change de l’EME suite à la hausse des taux américains entraîne des pertes supplémentaires dans les bilans des emprunteurs EME (au-delà des effets de la baisse des prix des actifs EME). Cela se produit en raison de la présence d’une dette en dollars dans le bilan de ces emprunteurs. Étant donné que les actifs détenus par les emprunteurs des EME sont libellés en monnaie locale, la dépréciation de la monnaie locale par rapport au dollar qui se produit à la suite du resserrement américain alourdit le fardeau réel de la dette en dollars, réduisant ainsi encore la valeur nette des emprunteurs. À l’équilibre, un affaiblissement des bilans locaux élargit l’écart par rapport à l’UIP, qui à son tour est compensé par une dépréciation de la devise EME par rapport au dollar. Du fait que les bilans locaux ne correspondent pas en partie, une monnaie locale plus faible se répercute alors sur la santé du bilan, ce qui l’affaiblit davantage. Il en résulte des baisses fortement amplifiées de la valeur de la monnaie et des investissements des EME, qui compensent largement l’effet positif de la dépréciation sur les exportations des EME, qui porte la baisse totale de la production des EME à 0,45% par rapport au scénario de référence.

Tester le lien entre les écarts UIP et les tensions financières

Le modèle présente une prime de risque UIP variable dans le temps qui augmente avec les écarts de prêts intérieurs dans les pays émergents. Nous testons cette prédiction du modèle à l’aide de données coréennes et présentons les résultats dans le tableau ci-dessous.


Comment la politique monétaire américaine affecte-t-elle les économies de marché émergentes?

La deuxième colonne présente nos résultats, où nous régressons la variation du taux de change réel sur les variations du différentiel d’intérêt et du spread des obligations d’entreprises. Nous constatons que le coefficient sur l’écart est très statistiquement significatif, et la présence de l’écart améliore considérablement l’ajustement. Dans les troisième et quatrième colonnes, nous incluons une variable indicatrice pour les périodes de crise, qui prend l’unité dans les mois 1998: 8–1999: 3 et 2008: 9–2009: 3, et zéro dans le cas contraire, et une mesure de l’aversion au risque globale (mandaté par le VIX), respectivement. Comme indiqué, le coefficient sur le spread reste significatif, soutenant le mécanisme que nous proposons dans le modèle.

En résumé, nous présentons un modèle dans lequel les effets d’un choc de politique monétaire américaine sur les EME sont amplifiés en raison des primes UIP qui sont corrélées aux écarts de prêts intérieurs, ce qui est conforme aux données. Notre recherche fournit des bases théoriques pour le cycle financier mondial qui montre que les contractions monétaires aux États-Unis conduisent à un resserrement des conditions financières étrangères, et pour des résultats plus récents qui montrent que ces effets sont plus importants dans les EME que dans les économies avancées.

Ozge AkinciOzge Akinci est économiste principal au sein du groupe de recherche et de statistique de la Federal Reserve Bank of New York.

Albert QueraltoAlbert Queralto est un économiste principal au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale.

Comment citer cet article:

Ozge Akinci et Albert Queralto, «Comment la politique monétaire américaine affecte-t-elle les économies des marchés émergents?», Federal Reserve Bank of New York Économie de Liberty Street, 17 mai 2021, https://libertystreeteconomics.newyorkfed.org/2021/05/how-does-us-monetary-policy-affect-emerging-market-economies.html.


Avertissement

Les opinions exprimées dans ce billet sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Federal Reserve Bank of New York ou du Federal Reserve System. Toutes erreurs ou omissions sont à la charge des auteurs.

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