Déployer des « satellites sentinelles » pour surveiller les émissions de gaz à effet de serre

Le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC-AR6), récemment publié, a mis en garde contre le fait que le changement climatique affecte déjà toutes les régions habitées du globe et que l’ampleur des changements récents est sans précédent à l’échelle du millénaire. Les discussions de la COP26 ont souligné le besoin crucial pour les pays d’accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de tendre vers le zéro net à plus long terme. Cela nécessitera un financement climatique à grande échelle, avec une mobilisation de capitaux privés de plusieurs milliards de dollars par le biais d’obligations liées au développement durable et d’investissements à impact, alors que les pays effectuent la transition vers des économies à faibles émissions de carbone. Ces initiatives auront besoin de nouvelles mesures de performance qui mesurent les réductions d’émissions de GES.

Des informations limitées ont entravé la prise de décision

La mesure du rendement dans ce domaine a été entravée par l’absence presque totale de données de GES locales et régionales directement mesurées pour le diagnostic des problèmes et l’évaluation des programmes. Les estimations de GES mesurées de manière cohérente sont rares et la plupart reposent sur des paramètres d’émissions provenant d’études techniques appliquées aux mesures d’activité basées sur des enquêtes pour le transport, la production d’énergie et la fabrication. Les paramètres sont particulièrement suspects pour les pays en développement car nombre d’entre eux ont été calibrés à l’aide de bases de données et de modèles dans des économies à revenu élevé.

Les données satellitaires sont la clé du suivi des performances mondiales

Les satellites Sentinel peuvent être de puissants alliés, avec des mesures de GES à haute résolution désormais disponibles à partir de nombreuses plates-formes, y compris les instruments OCO-2 et OCO-3 de la NASA, les plates-formes METOP-A et TROPOMI (Sentinel-5P) de l’Agence spatiale européenne, le TANSAT chinois et GOSAT et GOSAT-2 de l’Agence japonaise d’exploration spatiale.

Dans un document de travail récent, nous avons utilisé de nouvelles données satellitaires pour mesurer et analyser les émissions de CO2 de plus de 1 000 villes dans le monde. Nous avons choisi d’utiliser l’OCO (Orbiting Carbon Observatory)-2 de la NASA, qui offre un accès ouvert, un long panel d’observations quotidiennes mesurées de manière cohérente et la résolution spatiale la plus élevée parmi les sources disponibles. Nous nous sommes concentrés sur les villes de plus de 500 000 habitants, car ces localités ont de fortes concentrations d’activité économique et d’émissions.

Notre modèle économétrique du CO2 émis par les villes prend en compte leurs activités industrielles les plus carbonées (centrales électriques, aciéries, raffineries, cimenteries) ; incendies locaux (émissions de carbone dues au brûlage agricole et forestier) ; revenus; populations; densités de population; et les besoins de chauffage liés au climat. Une fois que le modèle a pris en compte ces facteurs, les résidus de régression fournissent des indicateurs de performance qui identifient les villes dont les émissions de CO2 sont inférieures ou supérieures aux attentes basées sur le modèle. Cela fournit le premier tableau de bord empirique de la gestion des émissions de CO2 en milieu urbain qui est basé sur des observations réelles de CO2.

Comment fonctionnent les villes mondiales ?

Figure 1. Résidus des concentrations de CO2 prévues par régression (ppm) pour les villes de plus de 500 000 habitants

Figure 1. Résidus des concentrations de CO2 prévues par régression (ppm) pour les villes de plus de 500 000 habitants

La source: Émissions urbaines de CO2 : une analyse globale avec de nouvelles données satellitaires.

La figure 1 montre que la performance mesurée par les résidus de régression des villes présente une grande variation, à la fois au sein des régions et entre elles. Cependant, la figure 2 montre que les modèles régionaux diffèrent considérablement. La Chine a un nombre impressionnant de résidus positifs importants (indiquant des émissions de CO2 supérieures aux attentes), tandis que les anciens pays du Comecon ont de nombreux résidus négatifs importants.

Figure 2. Performance du CO2 de la ville par région

Figure 2. Performance du CO2 de la ville par région

Remarque : CHN Chine ; AFR Afrique subsaharienne ; EAP Asie de l’Est et Pacifique (hors Chine) ; MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord ; LAC Amérique latine et Caraïbes ; SAS Asie du Sud (hors Inde) ; NAM Amérique du Nord ; IND Inde ; UEO Europe occidentale; CEC Anciens pays du Comecon (Union soviétique, Europe de l’Est).
La source:
Émissions urbaines de CO2 : une analyse globale avec de nouvelles données satellitaires.

D’autres régions avec des résidus plus importants que prévu comprennent l’Asie de l’Est et le Pacifique, l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. L’Europe occidentale et l’Inde ont des résidus plus faibles que prévu, tandis que les distributions sont à peu près centrées sur la moyenne mondiale pour l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et les Caraïbes et l’Asie du Sud (hors Inde).

Les sentinelles satellites ouvrent une nouvelle frontière pour l’analyse de la performance des GES

Nous avons bon espoir que la Banque mondiale et d’autres institutions étendront cette nouvelle approche à la mesure des performances en utilisant la surveillance du CO2 par satellite. Bien que notre étude se soit concentrée sur les grandes villes, le même modèle pourrait être utilisé dans des contextes géographiques aussi variés que les grandes et petites villes au sein des régions ou des pays, des régions au sein des pays ou des zones de projet spécifiques. Afin de fournir de meilleures mesures pour suivre les progrès de la réduction des gaz à effet de serre, nous espérons étendre cette initiative pilote à une base de données CO2 open source et régulièrement mise à jour qui informera toutes les parties prenantes mondiales.

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