Alors que de nombreuses économies développées sont aux prises avec les défis liés au vieillissement de leur population, le Canada s’est tourné vers une stratégie audacieuse : utiliser l’immigration pour favoriser la croissance.
L’année dernière, le Canada a accueilli 405 000 résidents permanents, un record jamais atteint, et 500 000 sont attendus en 2025.
L’immigration est largement considérée comme un élément essentiel du développement économique du Canada. L’année dernière, le Canada a accueilli 405 000 résidents permanents, un record jamais atteint. Ce nombre devrait atteindre 500 000 en 2025, selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Cela représente près de deux millions d’immigrés en quatre ans, un chiffre stupéfiant pour un pays de 40 millions d’habitants.
Pour l’instant, les paris sont payants. L’économie a évité la récession grâce à l’arrivée d’immigrés qui viennent renforcer l’offre de main-d’œuvre, tout en stimulant la demande des consommateurs. Le produit intérieur brut devrait croître de 1,7 % en 2023 et de 1,4 % en 2024, selon le Fonds monétaire international.
Mais même si le Canada réussit très bien à attirer les immigrants, il a du mal à utiliser leurs compétences, laissant sur la table un potentiel inexploité.
La sous-utilisation des compétences se produit lorsque les employeurs ne tirent pas le meilleur parti des travailleurs et que les talents ne sont pas exploités efficacement.
De nombreux immigrants occupent des emplois qui nécessitent peu de compétences ou sont sous-employés. Plus du quart des immigrants titulaires de diplômes supérieurs étrangers occupent des emplois qui ne les exigent pas, contre seulement 10 % des travailleurs nés au Canada, selon les données de Statistique Canada.
La sous-utilisation mine les revenus des ménages et les dépenses de consommation, amplifie la pénurie de talents et freine la croissance de la productivité, coûtant à l’économie des milliards de dollars chaque année.
Pour parvenir à une croissance économique et à une productivité soutenues, le Canada doit relever le défi de la sous-utilisation.
Immigration : bouée de sauvetage de l’offre de main-d’œuvre
Une politique d’immigration ambitieuse a transformé le Canada d’un pays avec une main-d’œuvre vieillissante à un pays avec l’un des taux de croissance démographique les plus élevés parmi l’Organisation de coopération et de développement économiques. L’immigration contribue également à ce que le Canada ait la main-d’œuvre la plus instruite parmi les pays du G7.
Environ 60 % des immigrants viennent au Canada dans le cadre de programmes économiques tels qu’Entrée express (EE) ou la Catégorie de l’expérience canadienne (CEC), selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Les nouveaux arrivants dans le pays sont évalués en fonction de leur éducation, de leur expérience professionnelle, de leur âge et de leurs compétences linguistiques. En conséquence, la population immigrée est majoritairement jeune et instruite, possédant une expérience professionnelle.
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Ces caractéristiques démographiques sont, en théorie, excellentes pour l’économie. L’éducation et l’expérience conduisent à des revenus plus élevés, ce qui se traduit par un pouvoir d’achat plus élevé.
En outre, les travailleurs instruits et expérimentés ont également tendance à être plus productifs et innovants lorsqu’ils sont employés dans les capacités appropriées. Par exemple, un ingénieur logiciel senior avec cinq ans d’expérience serait non seulement plus productif, mais aurait également plus de capacités d’innovation qu’un ingénieur débutant.
Il a été constaté que les immigrants, en particulier, contribuent à l’innovation de manière disproportionnée par rapport aux travailleurs nés dans le pays lorsqu’ils en ont l’opportunité.
Le problème de la sous-utilisation
Mais de nombreux immigrants hautement instruits et qualifiés ne contribuent pas à l’économie autant qu’ils le pourraient. De nombreux immigrants se retrouvent obligés de recommencer à zéro dans des postes de premier échelon peu rémunérés, malgré leur expérience de travail internationale.
Lorsque les travailleurs sont sous-utilisés, leurs salaires sont inférieurs, ce qui limite leur pouvoir d’achat. L’économie manque de productivité.
La sous-utilisation signifie également qu’une pénurie de talents prévaut dans certains secteurs, même si les immigrants ayant des antécédents professionnels pertinents occupent des postes dans ces secteurs, mais pas dans des postes vacants susceptibles de correspondre à leur expertise. Cela est vrai dans des secteurs allant des soins de santé à l’éducation et aux services professionnels.
De plus, les immigrants sous-utilisés peuvent ressentir du ressentiment, ce qui entraîne une baisse du moral et un taux de roulement élevé, deux facteurs coûteux pour les employeurs.
À l’échelle macro, certains travailleurs négligés décident même d’emmener leurs talents ailleurs et de quitter complètement le Canada. La proportion de résidents permanents choisissant de devenir citoyens a chuté de 40 % au cours des 20 dernières années, passant de 75,1 % en 2001 à 45,7 % en 2021, selon l’Institut pour la citoyenneté canadienne. Près du tiers des jeunes immigrants prévoient quitter le Canada au cours des prochaines années. La rétention des talents est devenue un problème à l’échelle nationale.
Le Canada risque de perdre une part importante des talents qu’il s’efforce d’attirer, ce qui est contre-productif si l’objectif est de faire croître et de rajeunir la main-d’œuvre.
Lutter contre la sous-utilisation
Plusieurs pistes pourraient contribuer à remédier à la sous-utilisation. La rationalisation du processus d’accréditation pourrait permettre de déployer plus rapidement les immigrants là où ils en ont besoin sans qu’ils perdent leurs talents pendant des années en attendant l’accréditation.
L’Alberta, par exemple, a accéléré le processus d’accréditation des infirmières hors province; cela a amené le College of Registered Nurses of Alberta à délivrer en trois mois trois fois plus de permis aux infirmières formées à l’étranger que le nombre total de permis délivrés au cours des quatre dernières années.
Les employeurs sont actuellement les moins susceptibles de prendre en compte les nouveaux arrivants lorsqu’ils cherchent à pourvoir des postes vacants. Cela se produit même si les nouveaux immigrants représentent une ressource humaine importante à une époque où la pénurie de talents coûte à l’économie des milliards par an et continuera d’être un problème à long terme.
L’investissement dans la recherche et le développement créerait davantage d’opportunités pour les travailleurs hautement qualifiés en général, permettant ainsi une croissance de la productivité.
Les plats à emporter
Même si le nombre élevé d’immigrants présente des défis, comme la pénurie de logements et la pression exercée sur les services sociaux et les infrastructures publiques, il serait difficile de nier les avantages économiques que l’immigration apporte au Canada.
Mais la sous-utilisation des immigrants empêche le pays de réaliser son potentiel de croissance économique et de productivité à long terme.
Si le Canada veut continuer d’attirer et de retenir les meilleurs et les plus brillants, il devra s’assurer que les compétences et l’éducation des nouveaux immigrants sont pleinement utilisées.