Répartition spatiale des infrastructures routières en Afrique

L’un des obstacles pressants à la croissance économique de l’Afrique est son infrastructure limitée. Dans un récent document de travail du National Bureau of Economic Research, «Spatial Inefficiences In Africa’s Trade Network», Tilman Graff, doctorant à Harvard, étudie les inefficacités spatiales de l’industrie des transports en Afrique et son impact sur le commerce. Cependant, le document ne se concentre pas sur la pénurie d’infrastructures en Afrique (l’Afrique a environ 31 kilomètres de route goudronnée pour 100 kilomètres carrés de terre contre 134 kilomètres de route goudronnée dans d’autres pays à faible revenu). Au lieu de cela, l’auteur se penche sur la mesure dans laquelle l’infrastructure existante de la région est au bon endroit.

En utilisant les données des services de routage en ligne et des satellites, l’auteur génère un réseau commercial «optimal» pour chaque pays africain via une simulation des flux commerciaux basée sur une division topographique économique interconnectée du continent. Dans son analyse, l’algorithme d’optimisation vise à maximiser l’efficacité du commerce en réaffectant les réseaux routiers existants. La figure 1 présente un échantillon des routes «optimisées» de quatre pays qui mélangent les routes existantes pour produire un environnement commercial plus fluide; les lignes noires représentent la conduite comme le moyen de transport optimal entre les emplacements et les lignes rouges représentent la marche comme le moyen de transport optimal.

Figure 1. Réseaux routiers optimaux dans certains pays africains

Figure 1. Réseaux routiers optimaux dans certains pays africains

Source: Tilman Graff, «Spatial Inefficiences In Africa’s Trade Network», Série de documents de travail du Bureau national de recherche économique, 2019.
Remarque: Noir = la conduite est le mode de transport optimal; rouge = la marche est le moyen de transport optimal

Selon l’étude, comme le montre la carte ci-dessus du Nigéria, le pays dispose d’une infrastructure routière relativement efficace et très peu d’itinéraires optimaux nécessitent la marche. En revanche, le Mali, avec le désert du Sahara dominant la région nord du pays, présente de grandes bandes concentrées où la marche est le moyen de transport optimal. Les itinéraires optimaux de l’Éthiopie, en revanche, varient selon les sous-régions. Notamment, selon l’auteur, l’infrastructure de transport de l’Éthiopie est principalement structurée du nord au sud et comporte peu de sentiers qui facilitent les déplacements d’est en ouest. Contrairement aux trois exemples précédents, le pays relativement petit du Rwanda manque de densité routière et de nœuds de localisation, et sa géographie, basée sur l’analyse de l’auteur, est plus propice à la conduite en tant que mode de transport le plus efficace.

Dans l’ensemble, selon l’auteur, ses recherches suggèrent que la répartition des infrastructures de transport en Afrique est inefficace et inégalement répartie dans l’espace, car certaines régions sont suréquipées et d’autres sous-développées.

L’auteur explore plusieurs hypothèses pour expliquer pourquoi les routes africaines sont mal placées. Une hypothèse est que l’aide internationale a joué un rôle dans le placement inefficace des routes. Bien que l’Afrique reste la principale cible de l’aide internationale et que les projets liés à l’amélioration des infrastructures de transport captent la plus grande part des engagements d’aide internationale à l’Afrique, ce financement de l’aide étrangère doit encore être lié empiriquement à des résultats économiques positifs, déclare l’auteur. Plus précisément, la figure 2 compare la distribution spatiale des projets d’aide internationale de la Banque mondiale et de la Chine, où chaque cercle représente un site de projet et la taille du cercle représente la valeur des projets avec une échelle de prix logarithmique.

Figure 2. Répartition spatiale des projets d’aide au développement de la Banque mondiale et de la Chine

Figure 2. Répartition spatiale des projets d'aide au développement de la Banque mondiale et de la Chine

La source: Tilman Graff, «Spatial Inefficiences In Africa’s Trade Network», Série de documents de travail du Bureau national de recherche économique, 2019.
Remarque: Circle = site du projet; taille du cercle = valeur de décaissement logarithmique du projet en dollars américains

À partir de cette analyse, Graff postule que les projets d’aide étrangère n’ont pas réussi à atténuer les réseaux de transport déséquilibrés en Afrique. Bien que le financement de la Banque mondiale soit plus spatialement diversifié que l’aide chinoise, les fonds de la Banque mondiale, plus que les fonds chinois, ont été dirigés vers les régions présentant un excédent de développement des infrastructures routières. En fait, il constate qu’entre 25 et 33 pour cent des flux d’aide internationale en provenance de Chine et de la Banque mondiale partagent la même destination géographique, ce qui devient plus prononcé pour l’aide aux infrastructures de transport. L’algorithme de l’auteur trouve notamment une relation positive entre la Banque mondiale et l’aide chinoise et une surabondance de routes.

Une autre hypothèse de l’auteur concerne les lignes de chemin de fer: il suggère que les régions avec des lignes de chemin de fer construites par des puissances coloniales ont tendance à avoir des infrastructures routières excédentaires (figure 3). Selon l’hypothèse, l’infrastructure ferroviaire coloniale a attiré davantage d’infrastructures de transport aux mêmes endroits en raison de «l’organisation spatiale de l’activité économique» et de l’urbanisation regroupées autour de ces réseaux ferroviaires.

Figure 3. Réseau ferroviaire colonial

Figure 3. Réseau ferroviaire colonial

La source: Tilman Graff, «Spatial Inefficiences In Africa’s Trade Network», Série de documents de travail du Bureau national de recherche économique, 2019.
Note: Rouge = chemins de fer construits par les puissances coloniales de 1890 à 1960; bleu = lignes de chemin de fer planifiées et jamais construites

De cette manière, l’auteur fait valoir que les zones dotées d’une infrastructure ferroviaire coloniale ont tendance à avoir une densité de routes inefficace par rapport aux autres régions. Alors que l’activité économique contemporaine se concentre toujours autour de ces anciennes lignes de chemin de fer, l’auteur soutient que leur objectif historique de faciliter la manœuvrabilité militaire et de soutenir les économies extractives ne fournit plus aujourd’hui un réseau commercial efficace. Notamment, certains chemins de fer planifiés n’ont jamais été construits et l’auteur constate que ce sont exclusivement les chemins de fer construits, plutôt que planifiés, qui sont associés à l’inefficacité des réseaux commerciaux.

Pour en savoir plus sur les investissements internationaux et l’aide en Afrique, lisez «Les entreprises américaines et la ceinture et la route chinoises en Afrique» et «Le tourisme en Afrique: une destination mondiale pour l’investissement et l’entrepreneuriat».

Pour en savoir plus sur les infrastructures africaines, lisez «Améliorer les infrastructures en Afrique: créer une résilience à long terme grâce à l’investissement», «Chiffres de la semaine: le paradoxe des infrastructures en Afrique» et «Chiffres de la semaine: les besoins en infrastructures de l’Afrique sont une opportunité d’investissement».

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