Une ventilation des plans de dépenses vertes post-pandémie des pays de l’UE

Une analyse des plans de relance des pays de l’Union européenne montre des priorités de dépenses vertes très différentes.

Les décideurs politiques se sont clairement engagés à utiliser le plan de relance post-pandémie de l’Union européenne, Next Generation EU, pour accélérer la transition verte du bloc. L’idée sous-jacente est simple : saisir un moment de bouleversement économique et social sans précédent pour renforcer la réorientation du modèle économique européen vers la durabilité, et notamment accélérer la mise en œuvre du Green Deal européen. Cette idée reflète également une reconnaissance croissante du fait que les investissements verts ont des effets multiplicateurs fiscaux élevés et qu’ils peuvent générer d’un seul coup un «triple dividende» : promouvoir la croissance économique, favoriser la création d’emplois et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Dans la pratique, cela a signifié la fixation d’un objectif minimum de 37% pour les dépenses sur les objectifs climatiques dans le cadre de la facilité pour la relance et la résilience (RRF), la plus grande composante de la prochaine génération de l’UE.

Pour cela, il est bien sûr nécessaire de définir les dépenses « vertes », « climatiques » et « environnementales ». Le règlement instituant le RRF (art. 18) comprend trois exigences différentes à cet égard pour les plans de relance et de résilience des pays de l’UE, qui constituent le cadre des dépenses du RRF :

(1) Toutes les mesures proposées doivent respecter le principe « ne pas causer de dommages importants » par rapport aux objectifs environnementaux, et le respect de celui-ci doit être démontré ;

(2) Les pays doivent expliquer comment leurs plans contribuent à la « transition verte ». Ce terme renvoie à la fois aux objectifs environnementaux et climatiques et n’est pas soumis à une cible ;

(3) Au moins 37% des dépenses d’un plan doivent aller à des mesures spécifiquement destinées à soutenir les objectifs de changement climatique, un objectif plus étroit que la «transition verte». Le règlement prévoit des coefficients à utiliser pour le calcul de la contribution de chaque mesure à l’objectif. Notez qu’il existe également des coefficients pour les « objectifs environnementaux », mais qu’aucune part minimale des dépenses n’a été établie pour ceux-ci.

L’ensemble de données de Bruegel sur les plans de relance et de résilience des pays de l’UE montre que tous les pays ont jusqu’à présent satisfait à cette exigence minimale de 37%.

Dans ce qui suit, nous examinons à la fois les composantes climatiques et environnementales des plans nationaux dans le cadre du RRF pour mieux comprendre les priorités de dépenses vertes des pays. L’examen de ces deux domaines permet de comprendre si les plans de dépenses nationaux reflètent les priorités environnementales du Green Deal européen, au-delà du seul respect des exigences de dépenses climatiques du RRF.

Priorités globales

Nous avons d’abord examiné les dépenses vertes de chaque pays, classées dans les « zones phares » vertes de la Commission européenne : « Power up », « Renovate », « Recharger and Refuel » (en référence, au sens large, aux technologies propres, à l’efficacité énergétique des bâtiments et au transport durable). . Cela permet de comprendre les priorités globales en matière de dépenses. Notez que les chiffres que nous présentons ici sont différents des allocations aux objectifs de changement climatique, comme indiqué dans les plans nationaux, puisque nous comptons les allocations complètes de mesures incluses dans les catégories pertinentes (bien que certaines composantes puissent ne pas contribuer aux objectifs climatiques) et exclure certaines mesures qui contribuent à l’objectif de 37 % mais dont l’objectif principal n’est pas vert.

Lorsqu’elles sont classées de cette façon, les allocations nationales diffèrent considérablement (figure 1). Pour l’UE dans son ensemble, « Recharger et faire le plein » est la principale priorité des dépenses vertes, représentant plus d’un tiers, soit 86 milliards d’euros. Pour des pays comme l’Estonie, l’Allemagne, la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie, ce poste représente même 50 % ou plus de toutes les dépenses vertes. L’Italie et l’Espagne ont également des allocations de transport durable particulièrement élevées.

La priorité « Power up » a reçu environ un quart des dépenses au niveau de l’UE, soit 55 milliards d’euros. Les parts sont cependant beaucoup plus importantes dans des pays comme Chypre, la Tchéquie et la Pologne, qui allouent près des deux tiers ou plus à ce domaine. Bien que cela ne soit pas visible sur la figure 1, la Suède dépense également de l’argent à cet égard, mais le montant n’a pas pu être distingué sur la base des informations contenues dans le plan, et est donc capturé par « autre vert ».

Le plus petit produit phare vert est « Renovate » (efficacité énergétique des bâtiments), qui reçoit 48 milliards d’euros dans l’UE. La France, la Grèce, la Lettonie, la Slovaquie et la Belgique vont à contre-courant en consacrant des parts nettement plus élevées à l’amélioration de leur parc immobilier.

Enfin, « autre vert » dans la figure 1 saisit les dépenses qui n’ont pu être classées dans une seule catégorie ou qui sont principalement consacrées à d’autres éléments à l’appui de la transition verte. Il s’agit de 34 milliards d’euros de dépenses sur des mesures telles que le reboisement ou la protection de la biodiversité. Pour la Suède, il comprend de vastes « investissements climatiques » avec de nombreux éléments différents. Le Luxembourg consacre la moitié de ses dépenses vertes à la protection de l’environnement et à la biodiversité, et la Croatie prévoit des dépenses relativement élevées pour la gestion des déchets et de l’eau et le tourisme. Enfin, une part importante des « autres verts » de la Slovénie va à la gestion de l’eau et à la prévention des inondations.

Un examen plus détaillé

Alors que la classification phare de la Commission est utile pour avoir une idée globale des priorités en matière de dépenses vertes, une ventilation plus granulaire est nécessaire pour bien comprendre les mesures que les pays ont l’intention de mettre en place (figure 2). Bruegel a introduit son propre système de classification pour permettre une analyse aussi approfondie.

Sans surprise, cette classification plus détaillée révèle des priorités de dépenses nationales très différentes. En termes agrégés de l’UE, les dépenses visant à accroître l’efficacité énergétique des bâtiments représentent la plus grande part, avec 45 milliards d’euros, soit près d’un cinquième des dépenses écologiques totales. La Belgique et la France en ont fait la composante la plus importante de leurs dépenses vertes, y consacrant environ 28%. La Grèce, la Lettonie et la Slovaquie y consacrent des parts encore plus élevées, reflétant ce que nous avons vu dans le graphique 1.

La deuxième catégorie la plus importante au niveau de l’UE est le transport public, avec 34 milliards d’euros, soit 15 %. Il s’agit d’une part particulièrement importante des dépenses vertes prévues en Roumanie (47%) ainsi qu’en Autriche, Hongrie, Lettonie et Lituanie, où elles représentent plus d’un tiers des dépenses vertes.

Nous avons créé une catégorie distincte pour les trains à grande vitesse, qui se classent au troisième rang avec 26 milliards d’euros, soit 12 %. Presque tous les investissements prévus se situent en Italie (24 milliards d’euros), où il s’agit de l’une des catégories de dépenses les plus importantes. Le reste des dépenses sur les trains à grande vitesse est prévu notamment en Tchéquie et en Allemagne.

La quatrième catégorie la plus importante dans l’UE est celle des sources d’énergie renouvelables, qui reçoivent 23 milliards d’euros, soit environ 10 % des dépenses vertes. La plupart de ces dépenses seront concentrées dans trois pays : c’est la plus grande composante verte pour la Pologne avec 37% (9 milliards d’euros) ; L’Espagne et l’Italie seront également de gros dépensiers en termes absolus, avec respectivement 5 milliards d’euros et 6 milliards d’euros.

Enfin, il est intéressant de noter que les mesures ciblant spécifiquement l’hydrogène arrivent en septième position au niveau de l’UE, derrière la mobilité électrique et l’adaptation au climat. Les pays dépenseront au total 11 milliards d’euros (5 % des dépenses vertes) dans cette catégorie, avec 3 milliards d’euros de dépenses prévues en Allemagne, 3 milliards d’euros en Italie, 2 milliards d’euros en France et environ 1 milliard d’euros chacun en Pologne et Roumanie.

Selon le système de classification utilisé, au niveau de l’UE, quelque 220 milliards d’euros des fonds du RRF devraient être consacrés aux éléments verts. Il s’agit certes d’un effort bienvenu et nécessaire, mais il fait pâle figure en comparaison des 350 milliards d’euros par an qui seront nécessaires d’ici 2030 pour réaliser les aspirations du Green Deal européen.

Tous les pays de l’UE sauf trois ont soumis leurs plans de relance nationaux au moment de la rédaction. La Commission européenne est en train d’évaluer la conformité de ces plans avec le règlement RRF et a jusqu’à présent approuvé et demandé l’approbation du Conseil de l’UE pour 14 plans. Une fois approuvés (très probablement le 13 juillet), les pays peuvent recevoir leurs premiers décaissements jusqu’à 13 % du montant total qui leur a été alloué. L’argent pour cela est déjà collecté grâce à l’émission d’obligations par la Commission européenne, qui a commencé le 15 juin 2021. Le décaissement et la mise en œuvre en temps voulu des plans approuvés seront alors essentiels si le RRF doit avoir un impact sur l’économie européenne, et sur la transformation européenne du climat et de l’environnement.

Les auteurs remercient Zsolt Darvas pour ses commentaires.

Citation recommandée :

Lenaerts, K. et S. Tagliapietra (2021) « A ventilation des plans de dépenses vertes post-pandémiques des pays de l’UE », Blogue Bruegel, 8 juillet


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