La croisade européenne pour repousser l’ingérence chinoise échoue

Il est dans l’intérêt de tous que la Chine uniformise les règles du jeu entre les entreprises publiques, privées et étrangères afin qu’aucune nouvelle mesure de distorsion ne doive être prise ailleurs.

Après avoir vanté la victoire sur un accord conclu entre l’Europe et la Chine pour un accord global sur l’investissement (CAI) il y a seulement quelques mois, les dirigeants chinois sont probablement abasourdis par le discours beaucoup plus dur venant désormais des institutions européennes.

Au-delà des sanctions liées au Xinjiang, qui auraient pu être lues comme politiques et surtout symboliques, la Commission européenne vient d’annoncer deux types de mesures défensives, d’une part contre les subventions étrangères entravant le bon fonctionnement du marché unique européen et, d’autre part, des actions visant à garantir la résilience de la chaîne d’approvisionnement européenne.

Dans les deux cas, la cible cachée est la Chine.

La législation antisubventions est le résultat d’un livre blanc publié par la Commission européenne en mai de l’année dernière qui crée des instruments pour corriger les distorsions que les subventions étrangères pourraient créer dans le marché unique.

Plus concrètement, les entreprises étrangères qui acquièrent des objectifs européens ou qui participent à des marchés publics en Europe seront soumises au contrôle de la Commission, qui aura également le droit d’interdire les accords, d’imposer des amendes aux entreprises ou de les forcer à rembourser les subventions avec intérêts.

Le deuxième ensemble de mesures vise à accroître la résilience de la chaîne d’approvisionnement européenne mais à réduire la dépendance excessive à l’égard des produits stratégiquement sensibles en provenance de Chine.

Pour réduire cette dépendance, la Commission européenne créera des incitations à stocker, mettre en commun les ressources et éventuellement établir des normes dans six secteurs qui ont été identifiés comme clés: les batteries, les technologies cloud et de pointe, l’hydrogène, les ingrédients pharmaceutiques, les matières premières et les semi-conducteurs.

Si nous ajoutons aux deux questions ci-dessus les perspectives beaucoup plus sombres pour la ratification de la CAI après les contre-sanctions chinoises contre les membres du Parlement européen et des institutions, il devient tout à fait clair que les relations économiques UE-Chine se sont détériorées au cours des derniers mois.

Il est difficile de dire dans quelle mesure les pressions exercées par l’administration du président américain Joe Biden ou les intérêts de l’UE sont liés. En fait, si l’autonomie stratégique a jusqu’à présent été le mot à la mode pour justifier le soutien à la CAI, elle pourrait également justifier des mesures visant à protéger le marché unique des distorsions liées à l’étranger ou de la dépendance excessive de la chaîne d’approvisionnement de l’Europe vis-à-vis de la Chine.

La réalité est qu’aucune des deux mesures (mesures antisubventions et résilience de la chaîne d’approvisionnement) ne sera probablement suffisante pour atteindre leur objectif ultime d’améliorer les conditions de concurrence équitables dans le marché unique.

La raison en est que l’origine de ces distorsions ne se situe pas vraiment dans l’UE mais en Chine, et est liée au manque d’accès au marché des entreprises étrangères et, surtout, aux inégalités des conditions de concurrence entre les entreprises privées étrangères, mais aussi chinoises. le marché chinois.

En fait, la domination des entreprises publiques (ou, plus vaguement, liées au gouvernement) sur ce marché leur donne un net avantage lorsqu’elles se développent à l’étranger, y compris sur le marché unique de l’UE, car elles peuvent utiliser les rentes qu’elles ont extraites en Chine. subventionner des opérations ailleurs et accroître leur part de marché. Cela signifie que l’intention de l’UE de rechercher des subventions étrangères explicites pourrait ne pas suffire à résoudre le problème.

Deuxièmement, les subventions implicites peuvent être très difficiles à mesurer, car elles peuvent provenir d’une baisse des paiements d’intérêts par unité de dette et / ou d’une charge fiscale plus faible par rapport aux concurrents sur un marché énorme comme la Chine. Ces loyers supplémentaires peuvent aider les entreprises soutenues par le gouvernement chinois à financer des acquisitions ou à participer à des marchés publics en Europe, mais aussi à surpasser les acteurs locaux grâce à des investissements greenfield.

Si l’on peut affirmer que les consommateurs européens bénéficient de biens et de services moins chers, cela n’est vrai que pour les secteurs en concurrence parfaite et encore moins pour ceux qui présentent de grandes externalités de réseau et / ou des économies d’échelle et de gamme.

Dans l’ensemble, le fait d’avoir un accès préférentiel au marché unique européen grâce à des financements et / ou des subventions moins chers, etc. peut avoir des effets de verrouillage et nuire à la concurrence. À moins qu’une réciprocité totale ne soit établie et que les entreprises européennes puissent rivaliser à égalité sur le marché chinois, le manque de concurrence en Chine peut désavantager les entreprises européennes sur leur propre marché.

En résumé, les deux problèmes que la Commission européenne tente de résoudre, à savoir les distorsions potentielles des subventions étrangères mais aussi le renforcement de la résilience de la chaîne de valeur mondiale, sont liés, mais leur solution réside en Chine et pas tant en Europe.

En pouvant accéder au marché chinois sur un pied d’égalité, les entreprises européennes pourraient être libres de décider où et comment remanier leurs chaînes d’approvisionnement sans craindre d’être coupées de ce qui sera bientôt le plus grand marché du monde.

Il est dans l’intérêt de tous que la Chine uniformise les règles du jeu entre les entreprises publiques, privées et étrangères afin qu’aucune nouvelle mesure de distorsion ne doive être prise ailleurs. Les annonces récentes de la Commission européenne sont clairement une seconde meilleure.


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