La protestation comme pratique paradoxale

En 2013, j’ai été menotté devant la Banque d’Angleterre. Les menottes ont été achetées dans un magasin de blagues et la manifestation – une représentation de guérilla – a eu lieu sur l’une des rares poches de terrain public restantes dans la ville de Londres. Dans le spectacle de rue de la guérilla ambulante BACS : banquiers sur le service communautaire J’ai joué un ex-banquier qui était, lorsqu’il était supervisé par un agent de libération conditionnelle, [in]sincèrement repentant et m’excusant pour mon rôle dans le krach économique mondial. Nous, en tant que trio d’interprètes, avons demandé aux gens que nous rencontrions dans la rue – nos participants – comment devrait on punit les banquiers ? Pendant toute la représentation, j’ai été charmant et espiègle ; provocant et constamment exaspérant. Le premier m’a aidé à éviter les réactions violentes et excessivement antagonistes des participants ; ce dernier a contribué à la provocation d’un conflit « politisé ».

En tant qu’interprète, je détenais simultanément la sociabilité et le conflit dans mon corps. Mon article pour ce numéro spécial de L’art & la sphère publiquee « Politicizing Artistic Pedagogies: Publics, Spaces, Teachings » plaide pour la valeur d’une approche paradoxale de la dissidence politisée et de la pédagogie publique s’inspirant des réflexions autoethnographiques, de la théorie politique et de Dread Scott De l’argent à flamber (2010) performance à Wall Street.

Mon approche de la sociabilité conflictuelle a évolué intuitivement en tant qu’artiste de rue puis rigoureusement au travers de mes recherches doctorales. Le projet de doctorat a exploré si, puis comment, l’agonisme peut émerger à travers un théâtre de rue de guérilla participatif et politisé. L’enquête a été contextualisée par la théorie politique de Chantal Mouffe sur l’agonisme en tant que conflit contradictoire et les cas dans lesquels elle a appliqué l’agonisme à la pratique artistique (2001-2013). La recherche a mis en évidence la valeur intrinsèque et substantielle de l’agonisme de Mouffe pour comprendre le conflit en tant que relation contradictoire. Cependant, lorsque Mouffe applique l’agonisme à la pratique artistique, elle situe ses exemples dans le cadre de la théorie politique, plutôt que dans ou à travers pratique artistique. Les descriptions de Mouffe de la pratique artistique agonistique ne correspondaient pas à mon expérience performative du conflit contradictoire en tant qu’ex-banquier.

Avance rapide jusqu’en 2015 et l’année que j’ai passée déguisée en lion dans mon adaptation politisée à trois personnages de Le magicien d’Oz et la composante pratique de mon doctorat. J’ai requalifié Lion, Tinman et Scarecrow comme des dirigeants politiques ratés qui ne peuvent rentrer chez eux qu’une fois qu’ils ont compris, avec l’aide des participants, comment gouverner leurs électeurs à Oz (voir également Ian Bruff et Matt Davies et leur réorientation pédagogique des culture). Les rues de la ville sont devenues la route de briques jaunes et chaque participant est devenu Dorothy : le personnage qui, dans l’histoire de L. Frank Baum, détenait toutes les réponses. La participation du public était essentielle pour se demander s’il était possible de déclencher un conflit agonistique avec les participants par le biais de la « guérilla ».[street] théâtre’. La réponse courte à cette question est Oui, avec des difficultés. Je soutiens qu’un aspect de ce oui est la mise en œuvre d’une forme de sociabilité politisée et paradoxale.

Le cadrage paradoxal de la sociabilité conflictuelle reconnaît que la sociabilité seule est peu susceptible de produire un conflit : elle nécessite une politisation et une participation. Ma démarche développe deux idées politisantes que propose Mouffe. Dans Agonistique Mouffe indique l’importance des « relations sociales » et le potentiel de sociabilité pour la dissidence contre-hégémonique. La sociabilité conflictuelle correspond au « consensus conflictuel » de Mouffe : un accord paradoxal et temporaire pour ne pas être d’accord. Le consensus dans ce contexte mouffien est temporaire, limité et sujet à une dissidence imminente. De même, je mets en garde la sociabilité comme contingente à la production d’un conflit contradictoire. La politisation de la sociabilité passe aussi par la pratique de l’art participatif. La participation situe la recherche dans l’histoire et la théorie de l’art, et le théâtre de rue de guérilla comme une pratique qui s’engage dans la sphère publique et vise à provoquer la dissidence et le désaccord.

Le théâtre de rue de guérilla est une forme d’art non autorisée et perturbatrice particulièrement adaptée pour trouver des participants. En termes pratiques, Le magicien de onces la performance n’a eu lieu que comme une rencontre participative avec des gens : des étrangers que nous avons rencontrés dans le domaine public ; publics que nous voulions convertir en participants actifs. En nous promenant dans le domaine public, nous avons signalé de manière performative à l’attention. Sans les restrictions d’une scène ou d’une infrastructure physique, nous avions la liberté de rechercher des espaces de représentation temporaires. Les publics qui s’arrêtaient et riaient, ou s’arrêtaient pour regarder, prenaient contact avec nous et, par une série d’échanges tacites, ces moments évoluaient souvent en rencontres participatives.

Le théâtre de rue de guérilla n’est pas sans défis. Initier politisé participation, la performance devait surmonter trois obstacles majeurs : ne pas sombrer dans un spectacle performatif, une bizarrerie facilement ignorée dans le domaine public ; ne pas s’effondrer dans une série de moments de prise de selfie avec des touristes ; et, point crucial pour mon article pour le numéro spécial, comment transformer la rencontre sociale initiale en une pratique artistique politisante.

Des solutions sur la façon de politiser la performance ont émergé alors que nous, mes co-interprètes tout aussi espiègles et moi, affinions notre adaptation de Le magicien d’Oz. Nous avons développé une série de jeux ludiques qui reposaient sur l’improvisation et pouvaient être adaptés pour répondre aux besoins de chaque participant. Ces jeux ont permis d’échauffer les participants et de construire une relation pour soutenir la transition d’un moment social convivial à une rencontre politisée plus incisive. Par exemple, un jeu s’est inspiré de manière satirique du modèle d’un politicien malheureux. En utilisant délibérément le risque, l’incompétence et la naïveté, nous avons placé la responsabilité de notre destin entre les mains de nos participants : notre problème est devenu leur problème à résoudre. Ce processus s’appuyait sur la méthode de « problème » de Paolo Freire : poser des questions et accorder une confiance absolue aux connaissances et à l’expérience des participants pour obtenir les réponses.

Articuler et poser des problèmes en public est une approche pédagogique utilisée par Dread Scott dans sa performance de guérilla De l’argent à flamber (2010) à Wall Street, New York. Ici, Scott se promène le long de Wall Street en criant sonorement : « De l’argent à brûler, de l’argent à brûler » et « Quelqu’un a-t-il de l’argent à brûler ? ». Dans ces refrains répétés, Scott adresse une invitation spécifique aux participants (un mélange de commerçants de Wall Street et de touristes) à se joindre à lui pour brûler des billets d’un dollar à Wall Street. Dans mon article, j’explore trois tactiques que Scott emploie pour faciliter les formes conflictuelles de sociabilité : la communication publique ; sociabilité contradictoire; et affirmer le droit de manifester avec une bienveillance insistante. Ces tactiques performatives amplifient la critique stratégique de Scott des inégalités économiques ancrées dans les politiques politiques qui ont suivi la crise financière mondiale. Poser des questions embarrassantes et perturber délibérément l’espace public par des comportements «désordonnés» (tels que décrits par les forces de l’ordre) perturbe le vernis lisse de l’espace public pour initier une pédagogie artistique politisante.

En construisant une forme paradoxale et politisée de sociabilité, je défends le potentiel des publics, de la relation publique et du domaine public en tant que lieu de protestation et de pédagogie. En adoptant une approche agonistique de la pratique politisée – à travers la pratique artistique – il est possible d’être sociable et intentionnellement argumentatif. L’espièglerie, ou plus précisément dans mes recherches, l’espièglerie facilite un mouvement vacillant entre la bienveillance et le conflit.

L’image de l’ensemble provient de Freckled Mischief, Le magicien d’Oz, (2015). Guerrilla Street Theatre, Londres, Angleterre. Avec l’aimable autorisation de Freckled Mischief et Kev Ryan.

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