Photo of groceries including peppers, broccoli, lemons and eggs, on a kitchen table in a reusable shopping bag.

Qu’en est-il des prix des produits d’épicerie ?

L’indice des prix à la consommation des produits alimentaires a augmenté plus que l’indice général des prix depuis le début de la pandémie, avec une hausse particulièrement importante en 2022. Pour trouver des explications, il faut commencer par le comportement des prix des matières premières, qui ont bondi du début 2021 au milieu 2022. En outre, les salaires des employés peu rémunérés des épiceries ont augmenté plus rapidement que ceux de l’ensemble de la main-d’œuvre. Enfin, même si les marges bénéficiaires des épiceries ont augmenté, cette augmentation ne semble contribuer que faiblement à la hausse des prix des denrées alimentaires par rapport à l’augmentation de leurs coûts d’exploitation. Cette analyse suggère que la modération significative de l’inflation des denrées alimentaires depuis le début de 2023 est due à une inflation salariale toujours élevée pour les employés des épiceries, compensée par le recul des prix des matières premières.

La volatilité des prix des matières premières est importante dans les situations extrêmes

L’indice des prix à la consommation pour les produits alimentaires à domicile a connu une évolution mouvementée. Il est resté pratiquement inchangé au cours des cinq années précédant la pandémie, puis a augmenté de 4 % en 2020, de 6 % en 2021 et de 12 % en 2022. Le rythme des augmentations annuelles est ensuite tombé à 1 % à partir de 2023, mais le mal était fait pour les consommateurs, l’indice ayant augmenté de 25 % entre le quatrième trimestre de 2019 et le premier trimestre de 2023. À titre de comparaison, l’indice des biens de base et l’indice des services de base ont tous deux augmenté de 15 % au cours de cette période. (« Core » fait référence aux indices qui excluent les prix des aliments et de l’énergie.)

L’analyse des facteurs à l’origine de la hausse des prix commence par les prix des matières premières. Le graphique ci-dessous représente l’indice S&P Goldman Sachs pour les produits agricoles et d’élevage et l’indice des produits alimentaires à domicile. Les indices sont tous deux fixés à 100 en 2019. L’analyse de la période dans son ensemble montre que les prix des produits alimentaires ne semblent réagir de manière notable que lorsque les prix des matières premières connaissent de fortes fluctuations, comme lors des bonds de 2008 et 2011 et de l’effondrement de 2015. La raison en est que de nombreux autres coûts d’intrants dictent les prix des denrées alimentaires, de sorte qu’il faut des fluctuations inhabituelles des prix des matières premières pour que ces derniers aient une incidence sur les prix des produits alimentaires.

Pour comprendre le lien entre les prix des matières premières et ceux des denrées alimentaires, il faut noter que l’indice des prix à la consommation a progressé à un rythme moyen d’environ 2 % au cours des vingt années précédant la pandémie. Avec la hausse des prix des matières premières, les hausses annuelles les plus élevées ont atteint 8 % en 2008 et 6 % en 2011. Le recul ultérieur des prix des matières premières explique en partie pourquoi l’indice des prix alimentaires est resté inchangé de la fin de 2014 au début de la pandémie.

Les fortes variations des prix des matières premières affectent les prix des produits d'épicerie

Alt=”graphique linéaire retraçant l’IPC pour les aliments à domicile (bleu) et les matières premières (rouge) de 2005 à 2024”

Sources : Bureau of Labor Statistics ; indice S&P GSCI Agriculture et élevage.
Remarque : Les prix des matières premières sont mesurés par l’indice S&P GSCI Agriculture and Livestock.

Il est important de noter que la hausse de l’indice alimentaire de 2020-22 est plus importante que les précédentes hausses similaires des prix des matières premières. Nous examinons ensuite d’autres facteurs de coût à l’origine des prix des denrées alimentaires, en particulier les salaires.

Des augmentations de salaire relativement importantes pour les travailleurs du secteur de l’épicerie

Les salaires dans l’ensemble de l’économie ont augmenté considérablement depuis le début de la pandémie. Le graphique ci-dessous présente les salaires horaires moyens des travailleurs de l’industrie de la fabrication et de la transformation des aliments et des employés des épiceries, ainsi que l’indice des aliments à domicile, l’année 2019 étant à nouveau fixée à 100 pour chaque série. Les prix à la consommation et les salaires dans les deux secteurs de l’alimentation ont eu tendance à évoluer de manière synchronisée, sauf pendant les périodes de fortes fluctuations des prix des matières premières, comme le montre le premier graphique. Autrement dit, les prix des aliments à domicile ont augmenté plus rapidement que ces salaires en 2008 et 2011 et ont augmenté à un rythme plus lent que les salaires au cours de la période 2015-2019.

Ce qui ressort du graphique, c'est la hausse des salaires des employés du secteur de l'alimentation de détail depuis le début de la pandémie. L'augmentation des salaires de ces travailleurs depuis 2019 a été d'environ 15 points de pourcentage supérieure à celle des salaires du secteur de la fabrication alimentaire et de la main-d'œuvre dans son ensemble. Les salaires des employés du secteur de l'alimentation semblent donc être un facteur clé expliquant pourquoi l'indice alimentaire a augmenté plus que l'indice des prix de base. Il faut cependant noter que ces travailleurs occupent toujours des emplois peu rémunérés, gagnant actuellement 13 $ de moins l'heure que la moyenne du secteur privé (21,60 $/heure au premier trimestre de 2024 contre 34,60 $/heure) selon les données sur l'emploi salarié.

Les salaires des employés du secteur de l'épicerie augmentent fortement

Alt=”graphique linéaire retraçant les indices de l’IPC pour les aliments à domicile (bleu), les salaires dans la fabrication d’aliments (rouge) et les salaires dans les épiceries de détail (or) de 2005 à 2024”

Source : Bureau des statistiques du travail.
Remarque : Les salaires sont des salaires horaires moyens.

La question reste ouverte de savoir si l'inflation des prix des produits alimentaires peut rester aussi modérée qu'elle l'a été depuis le début de 2023, alors que l'inflation des salaires des employés des supermarchés reste élevée. Plus précisément, les salaires des fabricants de produits alimentaires ont augmenté de 4 % et ceux des employés des supermarchés de 6 % en glissement annuel en mai 2024, tandis que l'indice des aliments à domicile a augmenté de 1 %.

Les marges bénéficiaires n’ont pas été importantes

Certains ont avancé que l’augmentation des marges bénéficiaires avait contribué à faire grimper l’inflation pendant la pandémie. Le rapport financier trimestriel publié par le Bureau du recensement contient des données sur les revenus et les coûts d’exploitation provenant d’une enquête menée auprès des entreprises du secteur alimentaire. L’utilisation de cet ensemble de données est soumise à certaines réserves, car les revenus de ces entreprises ont augmenté à un rythme plus lent que celui enregistré dans les données correspondantes sur les ventes au détail, qui constituent une mesure d’enquête plus large. Néanmoins, il offre des informations sur l’évolution des coûts d’exploitation, des revenus et des marges bénéficiaires des entreprises interrogées.

Dans le cas des fabricants de produits alimentaires, les coûts d’exploitation (salaires, produits de base, énergie, autres intrants) ont augmenté de 15 % en 2023 par rapport à 2019, tandis que les coûts des magasins de détail d’alimentation et de boissons ont augmenté de 18 %. Les revenus ont augmenté respectivement de 15 % et de 20 %. À titre de comparaison, les données sur les ventes au détail ont enregistré une augmentation de 25 % des revenus des magasins d’alimentation et de boissons.

La mise en commun de ces résultats permet d’obtenir une mesure de la marge bénéficiaire : le ratio des revenus moins les coûts d’exploitation par rapport aux revenus. Pour la fabrication de produits alimentaires, la marge a peu changé, passant de 6,9 ​​% en 2019 à 6,8 % en 2023, tandis qu’elle est passée de 2,9 % à 4,4 % pour les magasins de détail d’aliments et de boissons. Mais si l’on met ces résultats en contexte, cette augmentation des marges bénéficiaires des épiceries (revenus sur coûts) est faible par rapport à l’augmentation de 25 % des prix des produits d’épicerie au cours de cette période.

Certes, les bénéfices en dollars ont augmenté considérablement. En effet, les bénéfices d’exploitation des magasins d’alimentation et de boissons interrogés sont passés de 14 milliards de dollars en 2019 à 25 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 79 %. Cette hausse reflète une marge bénéficiaire plus élevée appliquée à un niveau plus élevé de dépenses d’exploitation. Encore une fois, cette augmentation d’environ 10 milliards de dollars du bénéfice net d’exploitation est marginale par rapport à l’augmentation de 100 milliards de dollars des revenus déclarés par ces entreprises.

La combinaison de ces facteurs suggère que l’inflation alimentaire inhabituellement élevée observée au cours des trois premières années de la pandémie semble avoir été due, en partie, à des prix des produits alimentaires beaucoup plus élevés et à de fortes augmentations des salaires des employés des épiceries. La baisse ultérieure des prix des produits de base a ensuite contribué à ramener l’inflation alimentaire en dessous du taux d’inflation de base, même si la pression salariale accrue pour les employés des épiceries a continué. En fin de compte, la modération de l’inflation des prix alimentaires a fait que l’écart qui s’est creusé entre l’indice alimentaire et l’indice de base depuis le début de la pandémie est passé de 10 points de pourcentage à la fin de 2022 à 5 points de pourcentage en juin 2024.

Photo : portrait de Thomas Klitgaard

Thomas Klitgaard est conseiller en recherche économique en études internationales au sein du groupe de recherche et de statistiques de la Federal Reserve Bank de New York.

Comment citer cet article :
Thomas Klitgaard, « Quel était le problème avec les prix des produits alimentaires ? », Banque fédérale de réserve de New York L'économie de Liberty Street16 juillet 2024, https://libertystreeteconomics.newyorkfed.org/2024/07/what-was-up-with-grocery-prices/.


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