Réponses politiques mondiales à la volatilité des flux de capitaux – Blogue du FMI

Par Annamaria De Crescenzio, Annamaria Kokenyne, Dennis Reinhart et Julia Schmidt

La crise sanitaire et économique du COVID-19 a une fois de plus attiré l’attention sur l’inconstance des flux de capitaux et la nécessité de disposer d’une boîte à outils politique adéquate pour gérer les risques découlant de ces flux, tout en maximisant leurs avantages.

Un atelier virtuel organisé par la Banque d’Angleterre, la Banque de France, le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a mis en évidence les risques émergeant du paysage changeant des flux de capitaux mondiaux et la nécessité de redoubler d’efforts internationaux pour faire face ceux-ci notamment en élargissant le périmètre réglementaire.

Le lien entre le cycle financier mondial et les épisodes extrêmes de flux de capitaux, ainsi que les crises monétaires, est là pour rester.

Flux de capitaux pendant la crise du COVID-19

Par rapport aux précédents épisodes de tensions financières, l’arrêt soudain des flux de portefeuille vers les marchés émergents en réponse à la pandémie COVID-19 semble être particulièrement prononcé. Des sorties de capitaux records ont entraîné une dépréciation des taux de change, des coûts de financement plus élevés et un accès limité au financement externe dans de nombreux marchés émergents. Les économies avancées, y compris certaines économies de la zone euro et le Japon, ont également enregistré d’importantes ventes d’actifs de portefeuille par des non-résidents en mars 2020.

Les sorties de capitaux de portefeuille dans les marchés émergents et avancés ont été fortes mais de courte durée. Il a été amorti par d’importantes actions de la banque centrale, y compris la poursuite de l’assouplissement monétaire, qui s’est accompagné de programmes d’achat d’actifs à grande échelle et de l’augmentation des opérations de liquidité dans les économies avancées, ainsi que des interventions de change sur les marchés émergents.

Alors que les entrées bancaires ont fortement ralenti, la baisse a été plus faible que lors de la crise financière mondiale de 2008, reflétant la résilience d’un secteur bancaire mondial mieux capitalisé et la libération de coussins de fonds propres contracycliques par les régulateurs. La baisse des flux d’investissements directs étrangers, en revanche, a été encore plus prononcée que pendant la crise financière mondiale, reflétant les craintes de croissance des marchés émergents.

La nouvelle géographie des flux de capitaux

La crise financière mondiale de 2008 a été un événement décisif qui a révélé les faiblesses et la prise de risque excessive du système financier mondial, en particulier par les banques, et a conduit à des réformes réglementaires majeures augmentant la résilience des systèmes bancaires.

L’utilisation accrue des centres financiers offshore pour canaliser les flux transfrontaliers, y compris par les groupes bancaires multinationaux à la suite d’une réglementation accrue du secteur bancaire depuis la crise financière mondiale, souligne l’importance de la poursuite des efforts internationaux pour mettre fin à l’évasion et à la fraude fiscales, et pour élargir la périmètre réglementaire.

Pour faciliter la reprise, les principales banques centrales ont maintenu une politique monétaire accommodante depuis la crise financière mondiale. Les faibles taux d’intérêt américains ont conduit les banques mondiales à prendre davantage de risques, car elles prêtent davantage aux emprunteurs plus risqués des marchés émergents et des économies avancées. Il y a eu une augmentation régulière de la dette des entreprises et de la dette souveraine dans les marchés émergents et plusieurs économies avancées connaissent une appréciation des prix de l’immobilier grâce à d’importantes entrées de capitaux.

Bien que cela pose des défis politiques, il est prouvé que certains pouvoirs de surveillance peuvent sensiblement atténuer cette prise de risque. Autrement dit, des outils microprudentiels peut avoir des effets systémiques et sont des compléments importants de la politique macroprudentielle pour renforcer la stabilité financière.

Cycle financier mondial et réponses politiques

Le lien entre le cycle financier mondial et les épisodes extrêmes de flux de capitaux (arrêts soudains, vols, compressions et poussées), ainsi que les crises monétaires, est là pour rester.

Un cadre de flux de capitaux à risque peut aider les décideurs à mieux comprendre les événements extrêmes des flux de capitaux afin de prendre rapidement des mesures pour atténuer les risques. Un tel cadre peut être informatif sur les risques posés par différents types de flux de capitaux, éclairant la façon dont ils sont intermédiés et l’efficacité des réponses politiques.

Les décideurs ont de plus en plus recours à de multiples instruments politiques pour faire face à la volatilité des flux de capitaux. Il s’agit notamment de la politique monétaire, des politiques macroprudentielles, des interventions de change et des mesures de gestion des flux de capitaux. La question de savoir quelles politiques – ou combinaisons de politiques – sont les plus efficaces pour atténuer les risques de mouvements brusques de capitaux générés par les chocs mondiaux, et les compromis à court et à moyen terme des différentes politiques, est une question importante, et ceci fait partie de l’agenda du FMI sur le cadre de politique intégrée.

La nature mondiale des crises récentes met en évidence l’opportunité d’une réponse internationale coordonnée pour atténuer les effets des retombées transfrontalières, ainsi que la nécessité de faire face aux risques posés par les agents économiques qui sont en dehors du périmètre réglementaire, en particulier les intermédiaires financiers non bancaires.

Initiatives multilatérales récentes telles que les lignes de swap entre la Réserve fédérale américaine et certaines banques centrales étrangères, les facilités de prêt améliorées du FMI, les efforts de coordination des réponses réglementaires, y compris sur les institutions financières non bancaires sous l’égide du Conseil de stabilité financière et de l’Initiative de suspension du service de la dette du G20 pour les pays les plus pauvres contribuent à atténuer les risques. Discussions sur les défis des flux de capitaux dans les enceintes internationales, telles que le Groupe de travail sur l’architecture financière internationale du G20, le Groupe de travail consultatif sur les codes de l’OCDE en relation avec le Code des mouvements de capitaux de l’OCDE, et le FMI en relation avec sa vision institutionnelle des flux de capitaux peut faciliter la conception de réponses politiques appropriées.

La liste complète des auteurs:

Annamaria Kokenyne, Gurnain Pasricha (FMI)
Annamaria De Crescensio, Etienne Lepers (OCDE)
Dennis Reinhart, Ambrogio Cesa-Bianchi, Mark Joy (Banque d’Angleterre)
Julia Schmidt (Banque de France)

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement les vues des institutions correspondantes.

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