Le Moyen-Orient a besoin de taxes plus justes pour favoriser la croissance et atténuer les inégalités – Blog du FMI

Par Jihad Azour, Priscilla Muthoora et Geneviève Verdier

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Des impôts plus progressifs avec moins d’exonérations aideraient les gouvernements à payer les dépenses prioritaires immédiates et rendraient les sociétés plus justes.

Les pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale utilisent depuis longtemps la fiscalité pour développer leur économie et promouvoir l’inclusion sociale. Le premier impôt sur le revenu remonte à 5 000 ans dans l’Égypte ancienne. Les pharaons l’utilisaient pour construire des greniers et nourrir les pauvres lors des pénuries. La zakat, une obligation de paiement semblable à un impôt progressif qui a débuté au XIIe siècle, est toujours perçue pour financer les dépenses sociales en Arabie saoudite et ailleurs.

Les systèmes fiscaux ont considérablement évolué au cours des siècles et il existe des différences frappantes entre les pays, y compris entre les exportateurs et les importateurs de pétrole et de gaz. Malgré des progrès récents, notamment l’introduction d’impôts sur la valeur ajoutée et sur le revenu des sociétés dans certains pays exportateurs de pétrole, les efforts visant à mettre en place des systèmes fiscaux modernes, efficaces et équitables restent une priorité.

Les recettes fiscales en tant que part du produit intérieur brut restent relativement faibles malgré les progrès de l’élargissement des assiettes fiscales dans de nombreux pays. Les gouvernements, quant à eux, font face à une pression immédiate pour augmenter les dépenses afin de protéger les pauvres, notamment contre la flambée de l’inflation alimentaire et énergétique, d’améliorer la santé et l’éducation, de renforcer la résilience aux chocs futurs et d’atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies.

Un récent document des services du FMI examine les défis et les opportunités d’augmenter les recettes fiscales au Moyen-Orient et en Asie centrale. Il fournit de nouvelles estimations de l’ampleur des recettes supplémentaires qui pourraient être collectées pour améliorer les perspectives de croissance et l’inclusion sociale : la différence entre la perception fiscale réelle et potentielle équivaut à environ 14 % du PIB (hors pétrole et gaz), en moyenne. En d’autres termes, les gouvernements ont la possibilité de lever davantage de recettes en rapprochant les taux d’imposition des niveaux qu’ils pourraient atteindre compte tenu de leurs structures économiques.

Certains des écarts de revenus les plus importants se trouvent dans les pays à faible revenu de la région, reflétant souvent les effets de la fragilité et des conflits.La faiblesse des recouvrements d’impôts peut être attribuée à une série de facteurs. L’utilisation des impôts directs, en particulier sur les revenus des particuliers et des entreprises, est limitée. Les impôts fonciers sont relativement sous-développés.

Divers prélèvements indirects sur les biens de consommation représentent la majeure partie des recettes fiscales (à l’exclusion des recettes tirées du gaz et du pétrole), mais les exonérations sont courantes et étendues. La faible conformité fiscale et l’informalité généralisée réduisent la capacité de recouvrement des gouvernements.

La fiscalité pourrait aussi être plus progressive. Les impôts sur le revenu des particuliers dans la région varient dans la mesure dans laquelle le taux d’imposition moyen augmente avec le revenu et dans leur capacité à redistribuer les ménages les plus riches vers les ménages les plus pauvres. Dans plusieurs pays dont l’Algérie, l’Iran et l’Irak, l’impôt sur le revenu des personnes physiques est relativement progressif. Dans certains pays, cependant, les revenus sont trop faibles pour parvenir à une redistribution significative des revenus. D’autres pays ont des revenus d’impôt sur le revenu des particuliers plus importants, mais les taux sont moins progressifs.

Augmenter les revenus, améliorer l’inclusion

Nos recherches montrent que l’élimination des exonérations généralisées et des incitations inefficaces élargirait les assiettes fiscales et rendrait les systèmes fiscaux plus équitables et plus transparents. Plusieurs pays ont réalisé des progrès notables dans l’élargissement de l’assiette fiscale ou sont en train de le faire. L’Égypte, par exemple, vise à réformer sa législation relative à l’impôt sur le revenu afin de simplifier le cadre juridique et de rationaliser les exonérations.

En outre, les réformes du système fiscal, telles que la refonte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur la valeur ajoutée, et le développement de l’impôt foncier, pourraient stimuler la collecte, rendre les systèmes plus progressifs et favoriser l’inclusion.

Moderniser les administrations fiscales et les rendre plus efficaces améliorerait l’application et la conformité. De nombreux pays comme l’Algérie, l’Azerbaïdjan, le Pakistan et l’Iran utilisent déjà le dépôt électronique. Néanmoins, des efforts supplémentaires sont nécessaires, notamment pour rationaliser les structures organisationnelles, améliorer les processus commerciaux et tirer parti des technologies numériques. Une coopération internationale plus étroite pour améliorer l’échange d’informations entre les juridictions fiscales pourrait également être bénéfique.

Des réformes visant à réduire l’informalité et à promouvoir la diversification économique pourraient soutenir la mobilisation des recettes. Il s’agit notamment de mesures en Égypte et en Tunisie pour décourager l’utilisation d’espèces et pour accroître l’inclusion financière. Des mesures de lutte contre la corruption, d’amélioration de la gouvernance et de renforcement de la transparence pourraient inspirer confiance dans la fiscalité. Les efforts déployés en Géorgie et au Tadjikistan pour lutter contre la corruption en simplifiant les systèmes et les procédures fiscales ont permis de doubler les ratios impôts/PIB au cours des 20 dernières années.

Une séquence appropriée des réformes est importante dans tous les pays, mais surtout dans les économies à faible revenu de la région et ses États fragiles et en proie à des conflits.

Avec un engagement politique soutenu, une communication claire et une conception et une mise en œuvre soignées des réformes, des améliorations durables peuvent être apportées pour mobiliser davantage de revenus. En s’appuyant sur ces efforts, les pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale peuvent utiliser la politique fiscale pour promouvoir le développement économique, accroître l’inclusion sociale et atténuer l’insécurité alimentaire, poursuivant ainsi la voie tracée par les pharaons.

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