Permettre un changement économique transformateur dans le programme de biodiversité post‐2020

introduction

La pandémie de COVID‐19 a ralenti les discussions sur l’agenda de la biodiversité post‐2020, avec le 15e Conférence des Parties (CoP) à la Convention sur la diversité biologique maintenant reportée à la fin de 2021. L’actuel « projet zéro » du cadre mondial de la biodiversité post‐2020 (CDB, 2020a), qui sera négocié à la CoP, sur l’évaluation mondiale du Groupe intergouvernemental sur la biodiversité et les services écosystémiques de 2019 (IPBES, 2019) en reconnaissant l’importance du changement transformateur pour protéger la nature et ses contributions aux personnes. Par exemple, le projet note que « une action politique urgente aux niveaux mondial, régional et national est nécessaire pour transformer les modèles économiques, sociaux et financiers afin que les tendances qui ont exacerbé la perte de biodiversité se stabilisent au cours des 10 prochaines années ». (CBD, 2020a, p. 2) Pourtant, il reste vague quant à la manière dont de telles transformations pourraient être réalisées. De plus, bien qu’il identifie un certain nombre d’objectifs et de cibles liés à l’économie et au financement de la biodiversité, il ne spécifie pas de stratégie cohérente pour transformer les systèmes et structures économiques et financiers sous-jacents qui conduisent à la destruction de la biodiversité (CBD, 2020a).

Une stratégie spécifique et réalisable est nécessaire de toute urgence, car les moteurs de la perte de biodiversité ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies et ne devraient qu’augmenter en portée et en intensité (IPBES, 2019). Notre système économique actuel a quadruplé le PIB mondial au cours des 50 dernières années (Otero et al., 2020). Cependant, cette croissance remarquable s’est faite au prix d’une perte généralisée de biodiversité et d’une augmentation marquée des émissions de gaz à effet de serre (IPBES, 2019 ; Otero et al., 2020), tout en générant simultanément une distribution très inégale des avantages (Jackson, 2017). Ces changements menacent non seulement la nature et le bien-être humain, mais aussi la prospérité économique future, conduisant le Forum économique mondial à classer la dégradation de l’environnement et de la biodiversité parmi les cinq principaux risques économiques mondiaux aujourd’hui, même avant la pandémie de COVID-19 (WEF, 2020) . Le monde des affaires reconnaît de plus en plus la menace posée par la dégradation de la nature, notamment la perte de pollinisateurs, l’épuisement des réserves d’eau et les risques accrus de catastrophes naturelles.

La crise du COVID-19 donne un nouvel élan pour repenser le projet de cadre de la biodiversité post‐2020 et prioriser les actions stratégiques conduisant à un changement transformateur dans la façon dont nos économies et nos systèmes de gouvernance fonctionnent. La crise du COVID-19 a montré avec un grand soulagement que les outils financiers et de marché, la réglementation et les mesures volontaires doivent être utilisés ensemble, et non séparément. Les gouvernements ont utilisé des stimuli financiers pour empêcher l’économie de s’effondrer et pour soutenir les personnes sans emploi, et ils ont mis en place des réglementations pour stimuler le changement de comportement car les actions volontaires, telles que le port du masque, se sont révélées à elles seules insuffisantes. COVID‐19 a également clairement démontré comment la prise de décision individuelle est structurée à la fois par le gouvernement et les forces du marché, ce qui a affecté, entre autres, la capacité des individus à suivre les ordres de séjour à domicile. La prévention des conséquences potentiellement catastrophiques de la perte de biodiversité nécessitera la même approche : une reconnaissance du fait que l’économie est le résultat du travail en tandem des institutions publiques et du marché ; que les actions individuelles sont ancrées dans ces facteurs structurels ; et par conséquent, que la promotion d’actions en faveur de la biodiversité nécessite la transformation de ces facteurs structurels pour créer un environnement propice approprié.

L’approche intégrée nécessaire pour améliorer la biodiversité et les résultats climatiques nécessitera de changer radicalement le déséquilibre actuel entre les politiques et les demandes du marché qui promeuvent les activités préjudiciables à la biodiversité et celles qui promeuvent les activités de conservation et d’amélioration de la biodiversité. Pourtant, la reconnaissance de ces interactions critiques entre les gouvernements, les marchés et les individus – et les actions connexes pour y remédier – est largement absente de la théorie du changement de l’avant-projet actuel.

Ici, nous nous appuyons sur les résultats de l’évaluation mondiale de l’IPBES pour identifier les actions qui peuvent permettre un changement transformateur dans les systèmes économiques nationaux et mondiaux. Nous identifions quatre domaines prioritaires pour ces actions : (1) Accroître les investissements en capital dans la conservation de la nature et la production améliorant la biodiversité ; (2) réorienter les incitations économiques des activités dommageables vers des actions de mise en valeur de la nature ; (3) créer des cadres réglementaires favorables pour garantir l’efficacité des investissements accrus et des incitations réalignées ; et (4) réformer les paramètres pour mesurer, valoriser et catalyser ces changements transformateurs et leurs impacts sur le bien-être humain et écologique. Bien que ces quatre domaines prioritaires impliquent des actions qui ont été proposées précédemment, nous soulignons la nécessité d’une stratégie plus holistique qui combine des mesures concrètes avec des changements structurels. Un changement en profondeur ne sera possible que si les acteurs du marché, de l’État et de la société civile travaillent ensemble sur ces domaines prioritaires simultanément.

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